Premier constat, les touristes étrangers portent un avis globalement très positif sur leurs séjours en France : 62 % s’en disent « très satisfaits », l’essentiel des autres (91 %) se déclarant plutôt satisfaits. Toutefois, un examen plus approfondi nuance ce premier constat.
En effet, le niveau de satisfaction varie fortement selon les pays : les clientèles traditionnelles d’Europe occidentale sont les plus satisfaites, le record revenant aux touristes britanniques, 68 % d’entre eux se déclarant « très satisfaits » de leurs séjours en France. Au contraire, les clientèles d’Asie sont les moins satisfaites : seuls 48 % des touristes en provenance de ce continent affirment être « très satisfait » par leurs voyages en France, ce taux étant encore plus bas pour la Chine (39 %) et l’Inde (43 %). Cela reste vrai au niveau de l’ensemble des BRIC, dont « seulement » 50 % des ressortissants assurent être très satisfaits de leurs séjours en France.
Outre le pays de provenance, un autre facteur est très discriminant : le fait de réaliser ou non un premier séjour en France. En effet, globalement, les touristes étrangers qui découvrent la France, les moins nombreux (12 %), sont moins fréquemment très satisfaits de leur voyage que ceux qui reviennent en France : 50,7 % contre 63,4 %. Toutefois, là encore, la situation est très variable selon la zone de provenance des touristes. Ainsi les clientèles traditionnelles d’Europe et des USA sont nettement plus séduites par l’offre touristique lorsqu’elles se sont déjà rendues en France par le passé (la plupart des cas). Au contraire, les clientèles asiatiques (hors Proche et Moyen-Orient) ont une bien meilleure opinion de leur séjour en France lorsqu’elles s’y rendent pour la première fois, cas de près de la moitié d’entre eux. Ce fait est particulièrement net aussi bien avec la clientèle du Japon qu’avec les clientèles de Chine et d’Inde. De fait, le nombre de ces nouveaux clients ayant l’intention de revenir en France est supérieur au nombre de clients de ces pays connaissant la France mais qui ne sont pas sûrs d’y revenir. La situation est différente pour les clientèles traditionnelles d’Europe : le socle des « habitués » de la France s’érode progressivement.
L’impact sur le niveau de satisfaction qu’un touriste étranger tire d’un séjour en France de chacune des caractéristiques de ce voyage (durée, type d’hébergement, espaces visités, dépenses…) est difficile à mesurer. S’agissant, par exemple, de l’hébergement, l’hôtel est, de loin, le plus usité. Or, parmi les différents types d’hébergements possibles, c’est celui qui recueille la part la plus faible de touristes très satisfaits de leur voyage. Pour autant, il est difficile d’en conclure que c’est la forme d’hébergement qui contribue le moins à la satisfaction des touristes étrangers en France. En effet, ce sont peut-être d’autres caractéristiques des voyages des touristes qui vont à l’hôtel qui expliquent, au moins en partie, la moindre satisfaction qu’ils tirent de leurs séjours en France. Par exemple, ils dépensent plus que les autres touristes compte tenu, notamment, du prix relativement élevé d’une nuit à l’hôtel par rapport aux autres types d’hébergement ; or, les touristes dont les dépenses sont les plus élevées sont précisément ceux qui se déclarent le moins fréquemment très satisfaits de leur séjour en France. Il existe cependant un outil statistique permettant de décrire les effets propres de chaque facteur indépendamment des autres : la régression logistique. De fait, cette approche montre deux choses. D’une part, contrairement à ce que peut laisser penser l’examen des taux de touristes très satisfaits de leur voyage, une dépense plus élevée accroîtrait en fait la probabilité d’être très satisfait de son séjour en France. Ce n’est donc pas la dépense qui explique la moindre part de touristes très satisfaits de leur séjour parmi ceux qui vont à l’hôtel. D’autre part, selon l’approche par régression logistique, les touristes étrangers auraient un moindre agrément pour l’hôtellerie et le camping que pour les autres formes d’hébergement.
La régression logistique permet également de hiérarchiser l’influence de ces facteurs sur la satisfaction que les touristes étrangers retirent de leur séjour en France. Enfin, outre les caractéristiques propres des séjours, elle prend en compte la zone de provenance des touristes ainsi que l’antériorité ou non d’un voyage en France.
Il ressort de l’analyse logistique que quatre facteurs prédominent en matière de satisfaction tirée d’un voyage en France : le pays de provenance, la préexistence ou non d’un séjour en France, le type d’hébergement et la durée du séjour. Ce sont les touristes russes qui possèdent, pour un voyage identique à ceux des autres touristes, la probabilité la plus élevée d’être très satisfaits de leur visite en France (alors qu’ils ne sont que cinquième pour la part de touristes « très satisfaits » de leur séjour en France). En outre, « toutes choses égales par ailleurs », la probabilité qu’un touriste étranger soit très satisfait d’un voyage en France est moindre pour un premier séjour. Ce constat s’inverse cependant pour certaines clientèles lointaines, telles le Japon, la Chine et l’Inde. En matière d’hébergement, l’hôtellerie est moins satisfaisante que les autres formes d’accueil. L’amélioration de l’offre hôtelière est donc un enjeu pour l’attractivité de la « destination France ». Enfin, les courts séjours concourent moins que les autres à un niveau de satisfaction élevé. Dès lors, promouvoir des séjours exclusivement consacrés à la France, permettant d’en découvrir les multiples facettes, est à encourager face aux formules qui proposent un circuit en Europe.
Trois autres facteurs liés à l’activité des touristes étrangers pendant leur séjour en France sont également importants : l’espace touristique visité, les parcs de loisirs et les réseaux de connaissances. Ainsi, la ville, espace touristique le plus fréquenté, est cependant celui qui suscite le moins la satisfaction des touristes étrangers, qu’ils connaissent la France, ou bien qu’ils la découvrent. Dès lors, le tourisme urbain doit être repensé. De même, ni les parcs de loisirs, ni les activités liées à la culture ne satisfont pleinement les touristes internationaux. En revanche, les réseaux de connaissances (famille ou « proches ») en France des visiteurs étrangers exercent un effet bénéfique. Compte tenu de la probabilité plus élevée d’apprécier un voyage dans ce cadre, stimuler ces réseaux engendrerait, par le bouche à oreille, un processus vertueux d’accroissement du flux de touristes étrangers vers la France.
Enfin l’organisation – dépense, voyages en groupe et forfaits – entre en compte dans l’appréciation d’un voyage. Ainsi, voyager en groupe réduit la probabilité d’être très satisfait d’un séjour en France. Toutefois, les formules de forfait tout compris atténuent cet effet. Ces formules sont même un gage de satisfaction pour les nouveaux venus en France. Quant à la dépense, une simple analyse descriptive donne une relation décroissante entre satisfaction et niveau de dépense. Mais l’analyse logistique montre qu’au contraire, ce sont les touristes avec un niveau de dépense dépassant la médiane qui ont, « toutes choses égales par ailleurs », le plus de chances d’apprécier leur séjour. Ne pas « regarder à la dépense » est même un gage de satisfaction pour un premier voyage.
Pour aller plus loin dans l’analyse, des régressions logistiques par zones géographiques de provenance des touristes ont été réalisées. Les facteurs explicatifs de la satisfaction des touristes sont alors différents d’une zone à l’autre. Ainsi, contrairement à l’ensemble des touristes étrangers, le niveau de dépense des touristes nord-américains a peu d’effets sur leur satisfaction. Pour autant, les activités de shopping accroissent, pour ceux qui se sont déjà rendus en France, la probabilité d’être très satisfaits de leur séjour. En revanche, ces activités d’achats n’influencent pas la probabilité des Nord-Américains qui découvrent la France. Ces derniers sont davantage sensibles à la pratique d’activités culturelles, qui favorisent l’appréciation de leur séjour en France. Ils sont d’ailleurs près des trois quarts à s’adonner à ces activités. S’agissant de l’impact des autres caractéristiques des voyages des Nord-Américains sur leur niveau de satisfaction, soit il n’est pas significatif, soit il est assez semblable à celui produit sur les touristes étrangers dans leur ensemble. Les Britanniques, proches culturellement des Nord-Américains, partagent leur penchant pour les longs séjours et, lorsqu’ils reviennent en France, pour le shopping. Ces habitués de la France apprécient également les séjours en hébergement non marchand, ce qui explique sans doute les nombreuses résidences secondaires des Britanniques en France. Cette appétence pour ce cadre de voyage se retrouve dans leur préférence pour les séjours en dehors de la haute saison qu’ils sont pourtant une minorité à pratiquer.
Les touristes des BRIC, qui pour un peu moins de la moitié d’entre eux découvrent la France, ont en matière de voyages des inclinations bien différentes de celles des clientèles plus traditionnelles d’Amérique du Nord ou du Royaume-Uni. Pour eux, le niveau de dépense alloué au voyage a son importance et c’est avec un budget confortable qu’ils ont le plus de chances d’apprécier leur premier séjour en France. Les touristes des BRIC qui découvrent la France n’apprécient pas l’offre en matière de shopping au contraire de l’offre culturelle du pays. Enfin, lorsqu’ils reviennent en France, les choix qu’ils opèrent réduisent leur probabilité d’être très satisfaits de leur séjour. Ce constat met en exergue une offre mal adaptée à leurs attentes, en particulier insuffisamment diversifiée.
Ainsi, les politiques publiques en faveur du tourisme international devront prendre en compte les divergences entre les clientèles traditionnelles de la France et celles qui se développent, qui restent donc à conquérir, s’agissant des facteurs qui favorisent la satisfaction qu’ils tirent de l’offre touristique française.
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