Dès lors, le policier nous ordonne de sortir du taxi-bé et nous le suivons à l'arrière du véhicule en présence du chauffeur du taxi-bé et de son assistant. Là, il nous dit que nous devons avoir nos passeports avec nous. Nous lui répondons qu'ils sont à l'hôtel Soratel, à quelques minutes de là, et que nous pouvons aller les chercher afin de lui ramener. "Bien évident", il refuse en insistant sur le fait que nous devons avoir nos passeports sur nous. Alors que je ne supporte pas ce système de bakchichs et que je n'en jamais payés dans tous mes précédents voyages, au bout de quelques minutes (le taxi-bé était immobilisé), je me décide à sortir quelques ariary. Là, le policier était embarrassé car je l'ai fait sans me cacher, à la vue du conducteur et de son assistant, et surtout en tant que vazaha il devait espérer beaucoup plus. Il hésite à demander plus, regarde les témoins et se ravise. Il refuse alors le bakchich, embêté par la présence de témoins.
Il nous ordonne alors de rester avec lui et de payer la course au taxi-bé. Le conducteur et son assistant étaient très ennuyés pour nous, ont tenté de repartir avec nous en faisant comme-ci l'affaire était réglée mais le policier n'a rien voulu savoir.
Une fois le taxi-bé parti, le policier devient de plus en plus agressif. Il nous dit alors que c'est 2 jours de "violon". Au début, je ne comprenais l'expression. Je lui dis "Violon, c'est quoi ? De la garde à la vue ?". Et là, il me répond sur un ton très menaçant "Oui, 2 jours de prison". J'avais bien compris que son objectif était de nous faire peur afin d'obtenir un maximum d'argent. Mais la difficulté, ce que je ne savais absolument pas si à Madagascar on peut faire 2 jours de cellule pour un passeport, sachant que ces derniers étaient à l'hôtel. Sur le coup, lui ayant déjà proposé un bakchich, je n'ai pas pensé à lui en reproposer un autre.
Après 15 minutes au bord de la route, ses 2 collègues continuant à arrêter d'autres véhicules, il nous ordonne de le suivre au commissariat de Fianarantsoa. Nous prenons un buxi en direction de Fianarantsoa, que nous payons, alors que lui bien évidemment pas. Ensuite, nous descendons à une intersection et prenons un taxi, que nous payons à nouveau, et qui nous monte sur les hauteurs de Fianarantsoa au commissariat de police.
A notre arrivé, nous sommes présentés à l'adjoint au commissaire dans son bureau. Là, il nous affirme que c'est "très grave" de ne pas avoir son passeport sur soi, qu'une procédure va être enclenchée, qu'il y aura une amende et surtout qu'il nous retiendra 2 jours en cellule. Nous le laissons parler, nous avions parfaitement compris son objectif de nous intimider avant de nous faire payer un énorme bakchich. « Bien évidemment », il refuse que l’un de nous se rende à l’hôtel afin de lui ramener nos 2 passeports. Ensuite à sa demande (nous avions pris la précaution de prendre en photo nos passeports sur nos smartphones), nous lui donnons nos numéros de passeport. Il enchaîne alors en nous disant que depuis 2009 (coup d'état de Rajoelina), la vie est très dure à Madagascar. Qu'il vaut mieux "régler" le problème que de faire une procédure et surtout passer 2 jours en cellules. Nous étions en fin d'après-midi et nous n'étions pas du tout rassurés dans ce commissariat. Je pense alors que si nous refusons de payer, pour nous emmerder, il serait capable de nous enfermer 2 jours en cellule. En fait, nous ne savions pas jusqu'où pouvait aller cette histoire. En outre, les commissariats malgaches n'ont pas du tout bonne réputation (comme dans beaucoup de pays par ailleurs). Dès lors, à contrecœur, je choisi la prudence en lui proposant de payer. Nous lui proposons 40 000 ariary. Là, il nous affirme à nouveau que c'est très grave de ne pas avoir son passeport et nous dit que 40 000 ce n'est pas assez. Je lui demande combien. Il nous répond 100 000 ariary ! J'étais très en colère intérieurement d'être pris pour un pigeon de vazaha. Toutefois, je le répète ne sachant absolument jusqu'où pouvait aller cette histoire, nous avons été contraints de payer. Avant de partir, il nous a ordonné d'écrire sur une feuille blanche A4 : "Je soussigné, Nom et Prénom, ait été averti que je devais avoir mon passeport sur moi" (avec la date). J'ai demandé à rajouter "Mon passeport est à l'hôtel Soratel". Ce qu'il a accepté. Pour moi, c’était une façon de prouver que nous pouvions présenter nos passeports aux autorités. En fait, il pense se couvrir avec ce papier bidon.
Dès lors, voici ce que j’ai appris :
Tout d’abord, mais nous le savions déjà, pour éviter de se faire racketter, il faut toujours être en règle voire même plus qu’en règle. Toutefois, tous ceux qui ont l’habitude de voyager vous le diront, il est difficile d’être en permanence concentrés afin de déjouer les tentatives d’arnaques ou de rackets et donc ne commettre aucune « erreur » (comme celle d’oublier lors d’une excursion vos papiers).
Ce que j’ai surtout appris, c’est qu’une fois que les autorités vous tiennent, le plus souvent pour des motifs futiles, vous êtes obligés de payer un bakchich. Il est impossible de faire autrement. A partir du moment où j’avais commis en droit malgache une infraction (malgré qu’ils aient refusé de nous laisser leur apporter nos passeports), minime soit-elle, je n’avais rien contre une procédure et éventuellement payer une amende. Toutefois, ce qui me dérange, c’est que l’unique objectif lorsque vous êtes contrôlé dans ce pays (comme beaucoup d’autres) est de trouver une infraction afin de vous racketter et ceci aux bénéfices des policiers et gendarmes. Ils agissent comme des prédateurs à la recherche de leurs proies. En quelques minutes, l’adjoint au commissaire de Fianarantsoa, dont malheureusement je ne connais pas le nom, a « gagné » personnellement 100 000 ariary.
Enfin, mais je n’avais pas encore l’expérience des bakchichs, il faut toujours les donner très discrètement. Lorsque qu’un chauffeur de taxi-bé paye ses 2 000 ariary à chaque barrage, les policiers lui imposent de le faire sans le montrer. Ceci est amusant car toutes les personnes présentes savent que le chauffeur de taxi a payé.
En conclusion, c'est extrêmement désagréable d'être pris pour un pigeon. Nous avons voyagé 7 semaines à Madagascar. Nous avons apprécié ce pays et surtout sa population. Nous avons dépensé nos économies de l'année et nous sommes contents que les malgaches vivant du tourisme ait pu en profiter (transport, hôtels, restaurants ...). Toutefois, nous ne reviendrons pas dans ce pays tant qu'il y aura cette corruption généralisée et à grande échelle. L'année prochaine, nous dépenserons notre argent ailleurs. Dans un pays où les autorités ont compris que pigeonner, en autres, les touristes nuit au peuple. Mais vous me répondrez avec justesse que les autorités en place ou passées n'en n'ont absolument rien à faire du peuple et de ses souffrances.
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