En ces lendemains de veille de la Fête nationale, nombreux sont ceux qui émergent du sommeil avec un mal de cheveux plus ou moins carabiné. Or, qu’on parle de gueule de bois, de hangover ou de mal de bloc, le phénomène est vécu de la même manière par ceux qui abusent de la bouteille, mais les remèdes traditionnels pour en (prétendument) atténuer les pénibles effets varient selon les régions du monde. Voyez plutôt.

Gracchus Quiquilfus, poivrot romain, rencontrant enfin ces Gaulois qui lui ont concocté un remède-miracle anti-gueule de bois, dans Les lauriers de César.
En Amérique du Nord, on privilégie souvent la bouffe salée, grasse et graisseuse (du genre oeuf-saucisse-bacon, voire une poutine de La Banquise ou de Chez Ashton avant de se coucher, au Québec) pour repousser l’alcool des parois de l’estomac – ce qui serait davantage préventif que curatif. Mais la cystéine (un acide aminé) contenue dans les oeufs contribuerait véritablement à éliminer le mal de bloc – alias le hangover.
Bien sûr, le petit déjeûner nord-américain tire sa source du Royaume-Uni (celui d’avant Jamie Oliver et Heston Blumenthal). Mais entre autres antidotes pour lendemains de veille, des chercheurs de l’université de Newcastle affirment que le sandwich au bacon, prisé par les Anglais, enraye véritablement le mal de bloc… Encore faut-il pouvoir en avaler un quand on a le coeur au bord des lèvres. Quant aux Écossais, plusieurs ne jurent que par l’Irn Bru, une boisson énergisante additionnée de fer. Un boucher de Edimbourg a même créé une saucisse à base de ce breuvage, c’est dire le sérieux qu’on lui accorde.
Dans de nombreux pays, on privilégie le rince-cochon, antidote comprenant un peu d’alcool (pour soulager le corps en manque) et d’autres boissons non-alcoolisées (pour se réhydrater). En France par exemple, un rince-cochon servi dans plusieurs bistrots est composé d’un tiers de vin blanc, d’un tiers d’eau de Vichy et d’un tiers de limonade.
Dans le monde anglo-saxon, l’amber moon comprend un oeuf cru, un trait de sauce tabasco et de whisky ou de vodka, tandis que le prairie oyster – un oeuf cru arrosé d’un jet de sauce Worcestershire – connaît de multiples variantes (avec ou sans ketchup, sel, alcool, sauce piquante, etc.)
Au Danemark, le plus fêtard des pays scandinaves, on ne s’encombre pas des boissons non alcoolisées et on boit tout simplement plus d’alcool, en lendemain de veille.
Idem en Irlande, ou le hair of the dog post-cuite n’est souvent formé que d’alcool, tandis qu’une autre façon de se débarrasser de la gueule de bois, plus folklorique, consistait jadis à s’enfouir le corps dans le sable humide, jusqu’au cou, sur les rives d’une rivière (si quelqu’un peut m’expliquer pourquoi, je lui en serai éternellement reconnaissant).
En Russie, on consomme du Rassol, du jus de choucroute gazeux vendu en canettes, mais il est aussi de commun usage (comme dans plusieurs pays slaves) de boire le jus dans lequel baignent les cornichons (qui serait riche en minéraux) tandis que les dames préfèrent consommer du kéfir (sorte de yogourt fermenté et légèrement pétillant) ou de l’ayran (boisson à base de yogourt et d’eau salée). En Pologne, on boit aussi le jus dans lequel marinent les betteraves.
En République tchèque, on consomme de la soupe à l’ail (qui, à défaut d’apaiser les souffrances cervicales, atténuent sans doute la fétidité de l’haleine), tandis qu’en Allemagne, le katerfrühstück (petit déjeuner de lendemain de veille) inclut immanquablement des rollmops (filets de hareng marinés).
En Turquie, on boit du jus de navet (parfois accompagné d’un peu de bière), ou encore on enfourne un kokoreç (ou kokoretsi), une grillade très répandue composée de boyaux et d’abats (poumons, foie, coeur, ris, etc.) d’agneau de lait. Autre remède prisé: la soupe de tripe à la crème, aussi populaire en Bulgarie et en Roumanie.
Au Mexique, une variante de cette soupe grasse est additionnée de piment fort, servie avec des tortillas et baptisée menudo, alors qu’au Guatemala et dans certains pays d’Amérique latine, on tente de se débarrasser du goma en prenant un caldo de pollo, un bouillon de poulet assaissonné de piments forts émincés, histoire de “faire sortir le méchant” par les pores de la peau.
Dans un proche registre de sudation, on prépare en Bolivie une fricassée, sorte de ragoût de porc épicé avec de l’ail, du chili et du cumin, qu’on épaissit avec de la semoule, des patates et du pain émietté. L’autre nom de cette recette populaire, servie le matin dans les marchés, est levanta muertos – le réveil des morts… ce qui en dit long sur les effets escomptés de cette recette.
Au Pérou, le leche de tigre (lait de tigre, alias le viagra péruvien) est préparé avec le jus dans lequel marinent le poisson cru du ceviche, additionné d’un trait de pisco (la boisson alcoolisée nationale).
Au Japon, on tente d’enrayer le futsukayoi en buvant du Ukon no chikara (une boisson énergisante qui signifie “la puissance du curcuma”, qu’on retrouve notamment dans le cari indien). Il semble que la curcumine, un agent contenu dans le curcuma, stimulerait le foie tout en ayant des propriétés anticancérigènes. Mais à défaut, des prunes séchées ou une soupe miso feraient l’affaire…
En Thaïlande, on se contente parfois d’une soupe légère faite de riz bouilli, de boulettes de porc, d’ail et de coriandre, mais dans les cas extrêmes, on prépare plutôt un phat khii mao, qui signifie “les nouilles de l’ivrogne”. Entrent dans sa composition de la sauce au poisson, de la sauce soya, des fèves germées ainsi que de la viande, du tofu et une bonne dose d’épices bien fortes.
De tôt matin le week-end, dans les rues de plusieurs villes de Corée – pays de gros buveurs -, on vend du haejangguk, qui signifie littéralement soupe-pour-enrayer-la-gueule-de-bois. Ses ingrédients? Du sang de boeuf coagulé, des os de vache, un peu d’épine dorsale de porc et… quelques légumes. Du reste, si plusieurs Chinois boivent du thé vert très infusé pour se remettre sur pieds, en Mongolie, le remède traditionnel consiste à gober des yeux de mouton dans du jus de tomate.
De retour aux choses simples, quand on a un postumi della sbornia, en Italie, on boit surtout du café – ce qui ne ferait que donner un coup de fouet aux fêtards amorphes. Mais autrefois, en Sicile, on croyait que mâchouiller le membre viril séché d’un taureau apaisait les souffrances post-beuverie, tandis qu’au temps de la Rome antique, on préférait les canaris frits.
Enfin. Ça, c’était avant qu’Astérix et Obélix ne viennent séjourner à Rome dans Les lauriers de César, où ils ont concocté (par accident) un remède-miracle anti mal de bloc, au grand plaisir de Gracchus Quiquilfus, ce pochetron qui ne demandait rien d’autre que boire et rigoler avec les copains, pendant toute la nuit.
Quand on prend connaissance de la recette des irréductibles Gaulois (confiture, poivre, sel, rognons, figues, savon de Massilia, une poule non plumée, du miel, du piment, du boudin, des oeufs, des pépins de grenade et encore des piments et du poivre), on se dit que tout bien réfléchi, la modération a bien meilleur goût…
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