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Insultée et harcelée verbalement dès qu’elle osait déambuler dans le quartier défavorisé de Bruxelles dans lequel elle habitait, Sofie Peeters en est venue à se demander si le problème ne venait pas d’elle. Terminant une formation de réalisatrice, elle a décidé, à l’été 2012, de tourner son film de fin d’études sur le sexisme et le machisme de rue que de nombreuses femmes subissent au quotidien. Un sujet presque tabou jusqu’alors.
« On prend un verre ensemble ? Chez moi, à la maison, bien sûr. Pas dans un café. L’hôtel, le lit, tu connais, direct. »
« Si tu donnes envie, c’est normal, non ? »
« Chienne. »
« Salope. »
« Femme de la rue », réalisé en caméra cachée, a fait un tollé en Belgique et ailleurs. Tous les regards se dirigeant vers les autorités, la Ville de Bruxelles avait alors décidé de distribuer des amendes administratives de 250 € (365 $CAN) aux harceleurs. Un geste destiné à abaisser la tension, mais qui n’a rien changé.
« Je pense avoir reçu à peine cinq procès-verbaux », a expliqué Bertrand de Buisseret, fonctionnaire sanctionnateur communal, à la RTBF. « Ceux que j’ai reçus, je les ai traités, et la plupart n’ont malheureusement rien donné car les gens niaient tout en bloc, et je pouvais difficilement les condamner sur la base de la seule déclaration de la victime. »
Retour à la case départ, donc.
Une nouvelle loi, récemment entrée en vigueur, place dorénavant le pouvoir judiciaire, et non plus les communes, en position d’autorité dans ces cas de figure. Les fautifs encourent désormais jusqu’à un an de prison. Mais peu de poursuites sont à envisager, puisque les parquets, submergés par les dossiers, ne paraissent pas vouloir prioriser ces affaires.
« Je pense vraiment que cette loi, dans la pratique, ne va rien changer, poursuit Bertrand de Buisseret. Il y aura très peu de verbalisation parce que, évidemment, les policiers ne seront jamais ou très rarement témoins de ce genre de fait. »
Seul motif d’espoir : la loi, qui punit le sexisme, sanctionne également toutes les discriminations basées sur le sexe, ce qui pourrait débloquer des dossiers liés aux relations de travail, et notamment aux conditions salariales différentes entre hommes et femmes.
Dans le reportage « Les mâles sont en rues », publié par le journal français Libération en juin, un géographe et spécialiste de la place des femmes dans la ville explique que c’est tout l’urbanisme qui est à revoir. « La ville appartient aux hommes. Tout est fait pour favoriser leur présence. […] En moyenne, 75 % du budget loisir des communes bénéficie à des activités masculines. Cela institutionnalise la présence des garçons dans la rue. C’est comme dans une cour de récréation : dès qu’on y installe un terrain de foot, les garçons deviennent plus légitimes à être au milieu, à occuper tout l’espace », a affirmé Yves Raibaud.
« Quand on fait l’organigramme des communes, on réalise que ceux qui s’occupent de la ville, qui la dessinent, sont toujours des hommes. […] Quand les femmes et les hommes sont en nombre égal dans l’espace public, le sentiment de sécurité est plus fort pour tout le monde, et ça change l’ambiance. »
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