
Photo © Kbh3rd / CC BY-SA 3.0
« Bienvenue à la Vieille Mine ».
C’est un panneau en français qui accueille les visiteurs à Old Mines, petit coin du Missouri où certains des premiers colons français en Amérique du Nord sont venus s’installer il y a plusieurs siècles, pour ne jamais repartir. Leur langue, toutefois, s’éteint peu à peu, explique Al Jazeera America dans un excellent reportage. Le français du Missouri (ou paw-paw) n’est plus parlé que par une poignée de personnes, peut-être quelques douzaines, dans les collines des monts Ozark.
Selon Natalie Villmer, dont la famille y est installée depuis les années 1700, les dernières personnes à avoir connaissance de ce langage sont forcément des « gens qui vivent près ou à Old Mines », et qui sont âgés de « plus de 75 ou 80 ans ».
Les parents et le grand-père de Natalie Villmer parlaient ce dialecte, qui n’a pas été transmis à la descendance à cause des stigmates associés aux francophones dans cette région. Son père a grandi à une époque où les enfants parlant français ont commencé à fréquenter des écoles anglaises, sans pour autant connaître la langue. Parler le français était alors devenu synonyme d’ignorance et de manque d’éducation.
« Ça a marqué son esprit d’enfant. Il n’avait pas vraiment envie de nous apprendre le français », explique Natalie Villmer. « Je pense que nos parents voulaient que l’on s’intègre. »
Comme beaucoup d’autres personnes de sa génération, elle ne connaît du français que quelques phrases et chansons.
Selon Scott Gossett, qui étudie la littérature française à l’Université du Missouri, l’histoire des Villmer est typique. Quand de petites communautés comme Old Mines se sont industrialisées, il n’y avait plus vraiment de nécessité à parler français, dit-il. « Ils ont seulement pensé que ce serait plus facile de leur apprendre l’anglais, afin de leur donner les meilleures chances de succès. Pour survivre, en fait. »
À son apogée, le français parlé à Old Mines pouvait aussi être entendu dans le sud de l’Indiana et de l’Illinois, ainsi que dans plusieurs villes du Missouri, dont St. Louis.
Pour Dennis Stroughmatt, musicien originaire de l’Illinois qui a appris la langue par intérêt, ce dialecte établit un pont entre le français du Québec et celui de Louisiane, « à la fois linguistiquement et musicalement ».
« Le monde francophone est en train de perdre son lien avec les années 1600. Essentiellement, la langue qui est parlée à Old Mines est un français normand-breton. C’est comme écouter le Moyen Âge. C’est cela qui va être perdu », explique-t-il avec tristesse.
« Ce n’est que récemment, peut-être durant les 50 dernières années, que nous avons commencé à voir la langue comme un atout plutôt qu’un handicap », affirme Gossett.
Trop peu, trop tard pour sauver des dialectes comme le français du Missouri. « On est toujours icitte », dit pourtant une devise officieuse locale, en français dans le texte. Ironie, vous avez dit ?
« Nous allons perdre cette langue, conclut Villmer. C’est une tragédie, mais je suppose que c’est le progrès. »
(Ci-dessous, Dennis Stroughmatt parle en français paw-paw (et en anglais) et joue des chansons traditionnelles à la bibliothèque du Congrès américain.)
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