
Illustration : Carol-Anne Pedneault
La première question que pose souvent le planificateur financier François Morin à ses clients qui ont passé le cap de la cinquantaine n’est pas : « que voulez-vous faire de votre argent ? », mais : « que voulez-vous faire du reste de votre vie ? » Voyager ? déménager à la campagne ? travailler à la pige ?
« Avant de se poser des questions sur ses placements, il faut planifier sa retraite, se demander de combien d’argent on aura besoin, regarder ce qu’on a déjà et voir comment combler l’écart entre les deux », précise le planificateur, qui est vice-président associé et chef régional pour l’est du Canada de Gestion de patrimoine TD.
Ses clients sont bien nantis et n’ont généralement pas trop de soucis financiers. Or, ce n’est pas le cas de tous les baby-boomers qui approchent de la retraite. Beaucoup risquent de manquer d’argent pour combler tous leurs besoins.
Selon un sondage de la BMO mené en août 2013, il manque en moyenne 430 000 dollars aux baby-boomers canadiens pour constituer leur fonds de retraite. Ceux-ci ont épargné en moyenne 228 000 dollars, mais ils estiment qu’ils en auront besoin de 658 000 pour bien vivre leurs vieux jours.
Cette somme est exagérée, croyez-vous ? Pas quand on considère que l’espérance de vie a augmenté et qu’on pourrait passer autant de temps à la retraite que sur le marché du travail ! Au Québec, ceux et celles qui ont aujourd’hui 55 ans peuvent espérer vivre facilement jusqu’à 85, voire 90 ans.
« Avant, on planifiait une retraite qui durerait 10 ou 12 ans ; aujourd’hui, il faut prévoir qu’elle durera 30 ans et parfois plus », dit Josée Laframboise, planificatrice financière à BMO.
Les futurs retraités sont aussi plus actifs, et leur profil a changé. « Ceux qui ont eu des enfants plus tard seront encore en train de payer les études de ces derniers », explique Hélène Gagné, gestionnaire de portefeuille au Groupe financier Peak et auteure de l’ouvrage Votre retraite crie au secours, dans lequel elle déboulonne plusieurs mythes.
L’un d’eux consiste à croire que l’on dépense moins à la retraite. « Vous dépenserez différemment, car vous aurez plus de temps pour voyager et vous divertir, corrige la gestionnaire. Pendant les 10 ou 15 premières années, les plus actives, vous aurez souvent besoin d’un revenu équivalent à ce que vous aviez en travaillant. »
Alors, on fait quoi ? Oubliez la sacro-sainte règle qui dit qu’à un âge plus avancé il faille absolument devenir frileux dans ses décisions d’investissement. Éviter la Bourse et favoriser les placements à revenu fixe, comme les obligations, n’est pas la solution. « Avant, on disait qu’il fallait un pourcentage d’obligations équivalent à son âge. C’était simple : à 60 ans, on avait 60 % d’obligations dans son portefeuille, à 70 ans, 70 %, etc. Ce n’est plus aussi vrai », dit Hélène Gagné.
« Ce n’est pas seulement une question d’âge, mais aussi de situation financière et de tolérance au risque, précise le planificateur François Morin. Si quelqu’un se trouve dans une situation précaire et qu’il n’a pas de marge de manœuvre, je vais l’orienter vers un portefeuille plus prudent que celui qui a une situation financière plus saine. »
Il reste que personne ne deviendra riche avec les taux d’intérêt faméliques des obligations, peu importe sa situation, croit Josée Laframboise, qui estime que l’on doit nécessairement avoir de 25 % à 50 % d’actions dans un portefeuille, « sinon, il n’y a pas de rendement ».
On peut donc encore courir des risques à 55 ans, mais des risques calculés. Car il ne faut pas oublier que, si son argent doit continuer à fructifier, le jour où l’on ira retirer les premiers dollars de son REER n’est plus si loin.
« Le danger avec un portefeuille trop volatil serait d’encaisser des pertes au début de la retraite. Il faut répartir son portefeuille de façon à pouvoir retirer son argent à partir de la portion qui rapporte des revenus plus stables », explique François Morin.
Pour équilibrer les risques, Hélène Gagné privilégie des fonds indiciels composés d’actions canadiennes et américaines. « Les frais de gestion sont plus bas que ceux des fonds communs, et si deux ou trois entreprises font moins bien, vous serez moins pénalisé », dit-elle.
François Morin préfère les fonds communs à rendement cible ou encore composés à majorité de titres dans des secteurs à faible volatilité, comme les produits de consommation de base, les services publics et les soins de santé. Ces secteurs fluctuent beaucoup moins que l’énergie, les ressources naturelles ou le secteur financier.
Certains produits financiers conçus pour les retraités ont aussi fait leur apparition ces dernières années, mais les frais de gestion sont souvent élevés. « Les frais, c’est le nerf de la guerre. Il faut s’en méfier, car ils peuvent venir gruger presque entièrement le rendement », dit Daniel Laverdière, expert-conseil en planification financière à Banque Nationale — Gestion privée 1859.
Ce dernier insiste surtout sur le rythme des retraits. « Une petite différence de 1 % dans la somme que vous prévoyez retirer de vos REER pourra avoir pour effet de vider votre cagnotte trop rapidement. Si votre portefeuille a perdu de sa valeur et que la Bourse remonte, vous ne pourrez jamais vous refaire puisqu’il n’y aura plus d’argent ! » explique-t-il.
À 55 ans, l’important, selon tous les planificateurs, est de réviser son portefeuille chaque année. « Vous prendrez votre retraite, mais pas votre capital ! » répète souvent Hélène Gagné à ses clients. Chaque année, François Morin suggère de modifier sa stratégie de placement : « Parfois, de légers changements suffisent. Ces temps-ci, par exemple, l’économie aux États-Unis reprend de la vigueur, alors qu’elle ralentit au Canada. C’est peut-être le temps d’augmenter son pourcentage d’actions américaines. »
À cet âge, il faut aussi se méfier de la foire aux illusions. « On a déjà un avoir accumulé parfois important et on sent l’urgence de combler le manque à gagner pour la retraite », dit Josée Laframboise. La combinaison parfaite pour succomber aux fumisteries en tous genres. N’investissez que dans ce que vous comprenez et tenez-vous loin du « bon tuyau » et des promesses de rendement qui semblent trop belles pour être vraies, conseillent les planificateurs.
Si vous ne vous êtes jamais intéressé à votre REER, il n’est pas trop tard. « L’industrie financière n’est pas votre amie, rappelle Hélène Gagné. Elle est là aussi pour faire des profits. Vous devez en être conscient. »
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