
Photo : G. Hughes / PC
Même s’il a fondé l’une des plus grandes et des plus puissantes entreprises du Québec, Paul Desmarais père ne donnait pour ainsi jamais d’entrevue. Ses fils, André et Paul, se montrent tout aussi discrets. Au printemps 2012, nous avons tenté pendant des semaines d’obtenir une entrevue avec eux. Nous voulions les faire réagir aux nombreuses critiques formulées à leur égard — notamment sur leur prétendue influence dans les corridors du pouvoir. Devant leurs refus, nous nous sommes présentés, en mai, à l’assemblée générale de Power Corporation, à l’hôtel Intercontinental, au centre-ville de Montréal.
Le Québec était alors plongé en pleine crise étudiante et des centaines de manifestants étaient rassemblés devant l’immeuble, dénonçant le «pouvoir» des Desmarais et de Power Corporation. Nous avons dû franchir un cordon de sécurité de la police pour nous faufiler dans la salle de conférence de l’hôtel, où régnait un calme étonnant. Dans le point de presse improvisé après l’assemblée, les journalistes questionnaient les Desmarais sur les défis de leur entreprise. Mais aucun d’eux ne parlaient de l’éléphant dans la pièce: la manifestation contre Power Corp qui se déroulait à l’extérieur. Alec Castonguay a brisé la glace…
Alec Castonguay: Il y a eu des controverses récemment sur le fait que le premier ministre [Jean Charest] et [le PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec] Michael Sabia ont séjourné à votre domaine de Sagard. Qu’est-ce que ça vous fait d’avoir ce type de couverture médiatique? Pourquoi invitez-vous ces personnes à votre domaine?
Paul Desmarais: M. Sabia est un très bon ami depuis 12 ans. Je l’ai invité chez nous comme j’invite d’autres amis. C’est un plaisir de recevoir nos amis, comme vous le faites aussi, j’imagine.
AC : Il n’y a pas d’objectif d’affaires derrière ces invitations?
PD: On ne parle pas nécessairement d’affaires quand les gens viennent chez nous. On peut s’amuser, avoir un peu de plaisir dans la vie! Moi, quand je vais à la campagne, j’aime passer du temps à faire ce que j’aime, pas nécessairement à parler d’affaires ― ce qu’on fait d’habitude au bureau.
(À André Desmarais) Jonathan Trudel: Pourquoi les gens ont-ils l’impression que vous tirez les ficelles du pouvoir?
AD: C’est d’un ridicule, là!
JT: Mais pourquoi ne sortez-vous pas plus souvent sur la place publique?
AD: Parce qu’on gère nos affaires. On est occupés à essayer de construire une entreprise à travers le monde. Vous avez vu l’envergure de nos affaires? Vous voyez les difficultés qu’il y a partout dans le monde?
JT: Vous êtes un des fleurons du Québec et on vous entend très peu…
AD: Parce qu’on travaille très fort! On ne trouve pas que c’est notre rôle de dire aux gens quoi faire et comment le faire. Moi, je suis comme vous, je vote tous les quatre ou cinq ans. On élit des gens et c’est à eux de gouverner le Canada et le Québec. Ce n’est pas à nous de faire des commentaires. Les seuls moments où on en fait, c’est quand on participe à des comités du ministère des Finances. C’est là qu’on a une expertise. Franchement, je ne suis pas un élu. Pourquoi irais-je me mêler des affaires des gens qui sont élus pour résoudre ces problèmes? Nous, notre travail, c’est de bien gérer notre entreprise ainsi que de prendre soin de nos employés, de nos clients et de nos actionnaires.
Un journaliste anglophone: Les manifestants à l’extérieur disent que les Desmarais sont associés à la cupidité. Que leur répondez-vous?
AD: Je pense que c’est très, très malheureux. On se préoccupe énormément de notre société. On travaille fort pour aider les gens de cette ville. On y consacre beaucoup de temps et d’argent à titre personnel. Notre famille et notre entreprise sont très soucieuses des gens et de la société qui nous entoure. Nous l’avons toujours démontré. Si certaines personnes sont en colère et confondent les choses, ça ne nous regarde pas personnellement. Tout ce qu’on peut faire, c’est continuer à se comporter comme on l’a toujours fait, comme mon père se comportait, comme mon frère et moi nous comportons. Nous sommes très fiers de ça.
À cet instant, l’équipe de relations publiques de Power Corporation est intervenue pour mettre fin au point de presse…
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