
De toute évidence, l’inquiétude règne dans les rangs libéraux…
Philippe Couillard s’attendait à ce que son retour au Parti libéral ne soit pas toujours un jardin de roses. Mais il ne s’attendait sûrement pas à y trouver des enquêteurs de l’UPAC cachés entre les épines.
La nouvelle d’une perquisition de l’Unité permanente anticorruption aux locaux de son parti en juillet tombée la veille même de l’ouverture de la session parlementaire l’a replongé durement dans une ère Charest dont il cherche depuis des mois à se distinguer.
Ce mercredi, une visite impromptue à son propre appartement de Québec par deux enquêteurs de l’escouade Marteau – laquelle relève de la Sûreté du Québec tout en travaillant sous l’UPAC -, ferait passer le tout du mauvais rêve au cauchemar politique.
Le chef libéral a dû également «gérer» de nouvelles allégations sur le financement du PLQ. Une touchant son chef parlementaire, Jean-Marc Fournier. L’autre, son député de Robert-Baldwin, Pierre Marsan.
Une véritable série noire.
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Un chef fragilisé
Non seulement ses députés reprochent à Philippe Couillard de ne pas les avoir informés de la visite estivale de l’UPAC au PLQ, le voilà aussi obligé d’expliquer pourquoi l’escouade Marteau s’était prise soudainement du besoin de lui «parler» viva voce. Un comportement par ailleurs étonnant et sans précédent envers un chef de parti politique provincial.
Résultat: Philippe Couillard et le PLQ se retrouvent précipités de force jusqu’au cou dans la vase de l’héritage empoisonné d’une ère Charest où les allégations de favoritisme et de financement politique occulte foisonnaient depuis des années.
Et que lui voulait-on pendant ces 45 longues minutes d’entretien avec ces enquêteurs de l’escouade Marteau?
Disant «croire» qu’il n’était pas visé lui-même par les enquêteurs, ni le PLQ comme «institution», M. Couillard s’est limité à dire que la conversation avait porté sur les «pratiques et l’organisation du parti». Était-ce un message que les enquêteurs lui envoyait? Un avertissement? Qui sait.
Avec raison, cette visite non annoncée d’enquêteurs au domicile d’un chef de parti en pleine ouverture de session parlementaire alimentent les pires craintes au sein des troupes libérales.
D’autant plus qu‘en réaction, Philippe Couillard semblait lui-même s’attendre au pire:
«Je ne crois pas que le parti, comme institution, soit sous enquête. Je crois que certains individus font l’objet d’examens policiers (…) Il y a des individus qui peuvent peut-être avoir été jugés coupables, qui seront peut-être jugés coupables d’avoir transgressé les lois dans notre parti.»
Et on imagine bien que ce n’est pas à l’ex-député libéral, Tony Tomassi – déjà en attente de son procès pour fraude et abus de confiance -, que M. Couillard songeait à ce moment-là.
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Un cadeau tombé du ciel?
Alors que les appuis à sa Charte des «valeurs québécoises» reculent dans les sondages depuis son dévoilement officiel, le retour spectaculaire pour les libéraux du fantôme de l’ère Charest prend des airs de cadeau tombé du ciel pour le gouvernement Marois. Un cadeau, disons, particulièrement «ostentatoire». Surtout à l’aube d’une session parlementaire cruciale en vue de la prochaine élection.
Or, il est aussi vrai – pour reprendre la maxime de Robert Bourassa -, que six mois en politique, c’est une éternité. À la lumière de ce qui arrive à Philippe Couillard, même quelques jours peuvent l’être…
La seule certitude est que les prochains mois donneront lieu à une lutte pour le pouvoir de plus en plus dure entre le gouvernement minoritaire de Pauline Marois et un Parti libéral pressé de retourner «aux affaires». Le tout, avec une CAQ continuant d’espèrer très, très fort, que d’ici l’élection, la commission Charbonneau ou l’UPAC puissent aussi jeter leur dévolu sur le Parti québécois.
En entrevue à l’émission C’est pas trop tôt, l’ex-patron de l’Unité anticollusion et député de la CAQ, Jacques Duchesneau, lançait d’ailleurs que selon lui, «il y aura peut-être des visites aussi qui vont avoir lieu au Parti québécois».
Arès la fuite sur la perquisition policière au PLQ et la visite «surprise» d’enquêteurs de l’escouade Marteau chez Philippe Couillard, Jacques Duchesneau se disait également favorable à ce qu’on «regarde» des manières aptes à assurer une meilleure séparation entre les pouvoirs politique et policier.
Comment? Comme par hasard, le député caquiste donnait comme exemple celui du patron de la Sûreté du Québec:
«C’était à mon époque, le seul directeur d’un service de police qui n’était pas sélectionné après avoir eu des rencontres avec des comités de sélection, mais qui était appointé /sic/. Et ça, ça toujours posé un problème. (…) C’est une décision du gouvernement. La première ministre décide que telle personne devient directeur général de la Sûreté du Québec, alors que pour être directeur de la police de Montréal, par exemple, on a quatre ou cinq entrevues avec des gens de tous les partis à l’Hôtel de Ville et on vous pose des questions. (…) C’est une chose qu’on va devoir regarder rapidement, sinon ça laisse la porte /sic/ à toutes sortes d’interprétation.»
Un peu plus et Jacques Duchesneau rappelait les reportages selon lesquels la SQ, dès les jours suivant l’arrivée de son nouveau directeur général nommé par le gouvernement en octobre dernier, se mettait à accroître «son emprise sur l’Unité permanente anticorruption (UPAC)».
Ce qui, en effet, pourrait ouvrir la porte «à toutes sortes d’interprétations» – fondées ou non.
Le député caquiste souligne d’ailleurs le besoin de dissiper cette vieille impression d’une «police politique» au Québec. Comment? Un bon début «pour éviter les ambiguïtés», dit-il, serait de nommer le puissant patron de la SQ «par un comité formé d’élus de tous les partis, comme c’est le cas pour la police municipale».
On le sait pourtant depuis longtemps. Indépendamment des événements de cette semaine, dépolitiser les sommets de la pyramide policière au Québec est une nécessité en soi.
Ça ne sauverait certes pas le PLQ de l’héritage Charest – ça, c’est le défi herculéen de Philippe Couillard -, mais ce serait déjà ça de pris pour mieux assurer la séparation des pouvoirs politique et policier au Québec.
Et qui sait? Une fois cette séparation assurée, ça deviendrait peut-être une nouvelle «valeur» québécoise aussi importante que la séparation de l’Église et de l’État…
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Le chemin de croix
Cette difficile rentrée parlementaire pour Philippe Couillard montre à quel point il débute à peine son chemin de croix à la tête des troupes libérales.
À Ottawa, il aura fallu attendre le retour de la dynastie Trudeau à la tête du Parti libéral fédéral pour que le souvenir du scandale des commandites du gouvernement de Jean Chrétien commence à s’estomper.
Philippe Couillard sera-t-il mieux habilité à nettoyer plus rapidement l’ardoise souillée du PLQ par des années d’allégations de copinage et de financement douteux?
Une chose est sûre: face à un gouvernement minoritaire, le successeur de Jean Charest ne dispose que de quelques mois pour en faire la démonstration.
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