«It’s the economy, stupid.»
C’est l’une des phrases politiques les plus célèbres. En 1992, le stratège James Carville, qui dirigeait la candidature à la présidence américaine de Bill Clinton, l’utilisait abondamment pour que son patron n’oublie pas comment battre le président sortant, George H.W Bush.
En période d’incertitude économique ou de faible croissance, peu de sujets peuvent battre l’économie dans la tête de l’électorat. Les politiciens ne doivent pas l’oublier.
Depuis 2011, il y a eu huit élections au Canada (sept dans les provinces et une au fédéral). Et 7 des 8 gouvernements sortants ont été réélus, même si certains étaient en très mauvaise posture lors du déclenchement électoral (Alberta, Ontario, Colombie-Britannique…). Le point commun: tous ont fait de vigoureuses campagnes sur des thèmes économiques. L’incertitude sur le front de l’emploi a diminué l’appétit de changement.
La seule exception: le Québec, où le thème de la corruption et de la collusion a dominé, ce qui a permis au PQ de s’imposer. (Malgré tout, le PLQ, qui a fait campagne sur l’économie, a fait de meilleurs résultats que prévu).
Bref, la tendance est lourde.
Notre sondage Léger marketing-L’actualité le confirme.
Il est publié dans notre numéro actuellement en kiosque, où il accompagne mon analyse de la rentrée politique d’automne. Le coup de sonde a été mené début août, avant que le gouvernement n’orchestre sa fuite sur la Charte des valeurs québécoises. (En passant, au moment de cette fuite qui monopolise les débats depuis 10 jours, le gouvernement Marois était sous le feu croisé des critiques pour sa gestion de… l’économie. Le PLQ et la CAQ attaquaient le gouvernement sur les pertes d’emplois en juillet et le manque à gagner dans les revenus de l’État…)
Voici les résultats (détails complets en PDF ici):
Selon vous, quels devraient être les priorités des parlementaires à l’Assemblée nationale du Québec cet automne? (Trois mentions possibles)
Contrôle des dépenses du gouvernement 51 %
Baisser les tarifs et les impôts 44 %
La lutte contre la corruption 43 %
La création d’emplois 38 %
Assurer un approvisionnement moins cher en pétrole pour le Québec 24 %
Permettre l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie incurable et souffrante 22 %
La lutte aux inégalités sociales 18 %
La lutte contre les gaz à effet de serre 9 %
Renforcer la Charte de la langue française 9 %
L’adoption d’une Charte des valeurs québécoises 7 %
La gouvernance souverainiste 3 %
Aucune de ces réponses 1 %
Ne sait pas/refus 4 %
On le voit, l’économie, l’économie et… l’économie domine largement.
En fait, cinq des six premières priorités sont dans la sphère économique. Il n’y a que la lutte à la corruption qui se faufile jusqu’aux échelons supérieurs.
«La bonne gouvernance au sens large domine, explique le sondeur Jean-Marc Léger. C’est très terre à terre, comptable comme vision. Je dirais même plate. On n’est loin des grands projets et du rêve.»
Les partis d’opposition en sont conscients, eux qui vont en faire leur thème dominant de l’automne. Le gouvernement Marois aussi d’ailleurs, puisqu’il a mis en place un plan de match économique pour contrer les attaques et proposer des idées concrètes dès le début du mois de septembre (voir mon texte dans le magazine pour plus de détails).
L’adoption d’une Charte des valeurs québécoises, qui monopolisent les débats depuis dix jours, vient très loin.
Sauf que Jean-Marc Léger a fait une mise en garde dès que nous avons obtenu les résultats du sondage, le 9 août. Ce sujet des accommodements religieux n’est pas une priorité absolue, mais il est très émotif et décolle rapidement dans l’espace public dans certaines circonstances.
«S’il est incarné avec des cas concrets, comme on l’a vu avec le turban au soccer, il peut être au centre des débats en une fraction de seconde. C’est un sujet dormant, mais présent», disait Jean-Marc Léger.
Jean-Marc Léger avait raison. Il a suffit d’une fuite pour que le débat soit relancé. Mais sera-t-il pour autant la priorité des Québécois cet automne? Est-ce qu’il monopolisera l’attention encore des semaines? À suivre, mais il y a de bonnes chances que d’autres sujets fassent surface.
Et si j’étais à la place du gouvernement et des partis d’opposition, je ne perdrais pas l’économie de vue. Sinon, au printemps prochain, en pleine élections, les chefs pourraient bien se faire dire par leurs stratèges et la population: «it’s the economy, stupid».
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