Sans surprise, l’ex-ministre libéral des Finances, Raymond Bachand, met fin à sa carrière politique. La raison? Nul besoin de chercher de midi à quatorze heures.
Péquiste défroqué et recrue-vedette de Jean Charest en 2005, l’homme ne s’est probablement jamais remis de sa défaite humiliante au congrès de la chefferie du Parti libéral en mars dernier.
Face à Philippe Couillard et Pierre Moreau, il terminait dernier avec un score lamentable de moins de 20%.
Sur le plancher du congrès, le camp Bachand – qui ne l’avait pas vu venir – était en morceaux.
Pour un candidat à la chefferie dont le slogan était «rassembler», ce rejet massif faisait de lui tout sauf un rassembleur.
Même s’il jura la main sur le cœur qu’il se ralliait à son nouveau chef, nul n’était dupe. Raymond Bachand ne ferait pas de vieux os dans l’opposition.

La «passion» est un sentiment qui finit un jour par passer…
Cela dit, en tant qu’ancien ministre des Finances et père de la doctrine dite de «la juste part», il aurait pu faire sa propre «juste part» en attendant la prochaine élection générale pour démissionner. S’il avait tenu pour les quelques mois restant d’ici là, il aurait au moins économisé aux contribuables les quelques centaines de milliers de dollars que leur coûtera l’élection partielle forcée par son départ hâtif.
Cela dit, pour Philippe Couillard, la perte n’est pas dramatique. Loin s’en faut.
Primo : ça lui libère le comté sûr d’Outremont. Pas pour lui-même – il se présentera dans Roberval à la prochaine générale -, mais pour y présenter une bonne pinte de sang neuf rouge libéral. Le défi de M. Couillard est de montrer qu’il peut recruter une ou un candidat de qualité dans un contexte où nul ne peut prédire les résultats de la prochaine élection générale.
Secundo : si caquistes et péquistes font semblant de dénoncer cet «affaiblissement» de l’«équipe économique» des libéraux par le départ de M. Bachand, d’autres ne le pleureront pas longtemps…
S’il est trop tôt pour savoir si Philippe Couillard sera capable ou non de se distancier réellement de l’ère Charest – autant sur le fond que sur la forme -, le départ de Raymond Bachand lui en donne tout au moins une première chance concrète.
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L’homme de la révolution culturelle et de la «juste part»
La question est à savoir si le nouveau chef libéral s’éloignera ou non de la fameuse «révolution culturelle» de Raymond Bachand. Ne riez pas. C’est précisément en ces termes que l’ex-ministre des Finances qualifiait lui-même sa brochette de hausse de tarifs tous azimuts annoncée tout d’abord au début de l’année 2010 sous forme de «réflexion», puis concrétisée dès son premier budget présenté au printemps de la même année.
Cette «révolution culturelle» comprendrait entre autres une taxe santé et l’ouverture du bloc patrimonial d’Hydro-Québec. Sans compter une augmentation vertigineuse des frais de scolarité qui, en 2012, provoquerait la plus longue grève étudiante de l’histoire du Québec – un Printemps érable dont la nouvelle ferait même le tour du monde.
En d’autres termes, la classe moyenne et les travailleurs à faibles revenus n’avaient qu’à bien se tenir…
Quant aux étudiants en désaccord avec sa révolution tarifaire, ils subiraient également les foudres rhétoriques du ministre des Finances. En pleine grève, ce partisan de la ligne dure, dure, dure, n’hésiterait pas non plus à les dépeindre comme des «radicaux», des «marxistes» et des «communistes».
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Un autre épisode des belles histoires des «valeurs québécoises»
Prônant aussi leur doctrine de «la juste part», M. Bachand et le gouvernement Charest entendaient bien faire payer les citoyens encore plus pour un bouquet de services publics. Le contribuable se doublait ainsi d’un «utilisateur-payeur». Tant qu’à payer, aussi bien le faire deux fois… Bien avant la Commission Charbonneau, le gouvernement avait beau jeu de crier famine.
Pour justifier ce virage, Raymond Bachand, sans rire, lança que les Québécois auraient un «effort collectif à faire, parce qu’on veut maintenir les valeurs québécoises». Ah… Ces mystérieuses «valeurs québécoises» . Plus le temps passe, plus on nous les sert à toutes les sauces et plus elles ont le dos large.
Après son budget de 2010, Raymond Bachand alla même jusqu’à citer les Gandhi, Saint-Exupéry, John F. Kennedy et Barack Obama pour tenter de justifier «l’importance du changement de culture» qu’il imposerait
De son emprunt à la Chine communiste de l’expression «Révolution culturelle» jusqu’à citer un Gandhi ou un Kennedy, de toute évidence, la modestie n’était pas tout à fait le trait de caractère dominant du ministre des Finances.
En réalité, la «révolution culturelle» que proposait M. Bachand ne tenait d’aucune de ces «inspirations». Elle s’inscrivait plutôt dans la lignée des politiques budgétaires classiques de la droite post-reagannienne. Ou si vous préférez, dans le contexte québécois, elle s’inspirait de l’école dite des «Lucides». (Pour une analyse plus détaillée des origines du virage Bachand, voir ici et ici.)
Intéressant de noter qu’après l’élection du 4 septembre dernier, hormis pour la hausse des droits de scolarité, le nouveau gouvernement de Pauline Marois conserverait de larges pans du virage de son prédécesseur.
Bref, Raymond Bachand – le «révolutionnaire» de l’injuste «juste part» -, quitte peut-être la politique québécoise, mais la politique québécoise, elle, peine encore à le quitter.
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S’il venait à prendre le pouvoir, Philippe Couillard serait-il celui à tourner enfin la page sur la «révolution culturelle» Bachand-Charest?
À la sortie du «Forum des idées» du PLQ tenu la fin de semaine dernière avec plus de 70 conférenciers de divers horizons, rien ne le laissait encore présager. Du moins, pour le moment.
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