La question est sur toutes les lèvres depuis l’arrestation de l’ex maire Gilles Vaillancourt et de ses 36 présumés complices. Comment un groupe organisé, spécialisé dans la corruption et la collusion, a pu agir en toute impunité pendant un quart de siècle à Laval?
On trouve une partie de la réponse dans les dénonciations des enquêteurs de la Sûreté du Québec (SQ), produites pour obtenir des mandats de perquisition qui ont sonné le glas du cartel lavallois.
Les députés provinciaux de Laval en connaissaient un bout sur l’appétit de Gilles Vaillancourt pour les enveloppes brunes. Le monarque de Laval ciblait systématiquement les candidats en quête de leur première élection, qu’ils soient libéraux ou péquistes. Il a approché deux libéraux (Thomas Mulcair et Vincent Auclair) et deux péquistes (Serge Ménard et David Cliche) avec des enveloppes maudites. Des quatre, seul M. Auclair a accepté l’argent.
Ces élus, interrogés par les enquêteurs de la SQ, connaissaient trop bien les risques associés à ce marchandage impropre. Ils auraient été liés au maire Vaillancourt, et forcés peut-être à se montrer plus favorable à ses demandes. Accepter l’enveloppe est «un mauvais début de carrière en politique», voire «un prélude à d’autre chose», ont-ils expliqué aux policiers.
Pourtant, ils n’ont rien dit de ces tractations. Serge Ménard, un ex-ministre de la Justice et de la Sécurité publique, a fait promettre à son organisateur politique, Jean Polloni, de garder le silence sur la tentative de corruption du maire M. Vaillancourt.
Dans les documents de la police, obtenus par Le Devoir, La Presse et Radio-Canada, les paroles attribuées à l’ex ministre de l’Environnement, David Cliche, sont les plus choquantes.
Député de Vimont de 1994 à 2002, M. Cliche a été mis au courant par des membres de son entourage «d’un système de redevances dans l’administration Vaillancourt».
«À chaque début d’année, le chef de cabinet du maire, accompagné du directeur des travaux publics de la Ville, invite tous les principaux bureaux d’ingénierie et les entrepreneurs en construction pour discuter des projets à venir, explique-t-il aux enquêteurs. Ils se départageaient les contrats et la redevance au parti PRO serait de l’ordre de 10 % des profits nets».
Les travaux de la commission Charbonneau ont démontré que la ristourne au PRO des Lavallois, «étroitement lié à la collusion» selon les enquêteurs de la SQ, était de l’ordre de 2 %.
Qu’importe. Deux anciens ténors du PQ, l’actuel chef du NPD et un député libéral d’arrière banc connaissaient les méthodes louches de Gilles Vaillancourt. Il a fallu que les journalistes tirent les vers du nez à MM. Ménard et Auclair pour que l’affaire éclate au grand jour… en 2010.
Gilles Vaillancourt en était à son premier mandat lorsqu’il a approché les Cliche, Mulcair et Ménard. Par leur passivité, ils ont permis au maire de prolonger son règne jusqu’à ce que l’usure du pouvoir et des scandales le rattrape en novembre 2012.
Les politiciens ont un sens du courage à géométrie variable. Il se manifeste surtout quand l’adversaire est déjà au sol. Les péquistes ont fait la leçon aux libéraux pour leur proximité avec Gilles Vaillancourt, et pour leur indifférence généralisée à la tenue d’une commission d’enquête sur la construction.
Plus on gratte le bobo de la collusion, plus on constate qu’il faut plus que des fourbes actifs et mal intentionnés pour que le système fonctionne. Il faut surtout qu’ils puissent compter sur l’inertie des pouvoirs publics, un ingrédient essentiel à l’éclosion d’une culture d’impunité. À cet égard, ni le Parti québécois, ni le Parti libéral ne sont en position de donner des leçons.
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