Mais de quel droit le Sénat se permet-il de modifier un projet de loi adopté par la Chambre des Communes? Parce que c’est un de ses pouvoirs. Et parce qu’un de ses rôles fondamentaux est d’étudier les projets de loi avec soin pour y déceler des erreurs ou faiblesses et en alerter les élus.
Depuis qu’une majorité de sénateurs, dont 16 conservateurs, ont décidé mercredi d’amender en profondeur le projet de loi C-377, présenté par un député et appuyé par le gouvernement, les critiques et les louanges à l’endroit de la Chambre haute s’entrecroisent.
«Nous continuons à appuyer la transparence des syndicats et les principes du projet de loi, qui reviendra à la Chambre comme le veut la procédure normale. Conformément à la procédure parlementaire, nous nous attendons à ce que le Sénat respecte la volonté de la Chambre des communes si le projet de loi devait être soumis de nouveau au Sénat», a immédiatement répliqué le porte-parole du premier ministre, Andrew McDougall, laissant entendre que le gouvernement userait de sa majorité pour revenir à la version originale.
(La réaction conservatrice fait sourire quand on se rappelle les manœuvres autour du projet de loi omnibus en matière de justice (C-10). Usant de leur majorité aux Communes, les conservateurs avaient rejeté en bloc toutes les modifications suggérées par l’opposition. Réalisant la valeur de six d’entre elles, le gouvernement avait dû se tourner vers le Sénat pour qu’il les apporte, ce qui fut fait. Le projet de loi est revenu aux Communes où la version amendée a été adoptée.)
«Je fait seulement le travail pour lequel on m’a nommé. Je n’ai pas été nommé pour tout approuver sans discussion», a rétorqué Richard Neufeld, un sénateur conservateur nommé par Stephen Harper en 2009.
Modifier un projet de loi n’est pas contraire aux usages de la Chambre haute, c’est même un de ses pouvoirs. Elle en use toutefois avec parcimonie, consciente de son manque de légitimité démocratique.
Mais on ne peut à la fois la blâmer quand elle approuve aveuglément les projets de loi et la critiquer quand, après avoir fait son travail consciencieusement, elle propose des amendements.
Le NPD, qui s’oppose au projet C-377, n’en conclut pas pour autant que le Sénat est utile. Selon les néo-démocrates qui souhaitent l’abolition de la Chambre haute, le Sénat est obligé d’intervenir parce que la Chambre des communes ne fonctionne pas correctement sous ce gouvernement qui n’en respecte ni l’esprit ni les traditions.
Ils n’ont pas tout à fait tort. Depuis trop d’années, les députés arrivent difficilement à jouer leur rôle de législateur et à rendre justice aux témoignages qu’ils entendent. Pour corriger le tir, pas besoin d’amendement constitutionnel. La bonne foi et le respect de nos institutions démocratiques par ceux qui les contrôlent pourraient suffire.
Mais le NPD ne peut nier en même temps que ce sursaut d’indépendance d’une poignée de sénateurs conservateurs a permis de mettre en relief les avantages que peut présenter une deuxième Chambre. Celle que nous avons a d’énormes défauts qui exigent d’être corrigés, mais est-il vraiment nécessaire de l’abolir?
Cet épisode nous montre, une fois de plus, qu’au-delà des élans populistes de certains, la réforme ou l’abolition du Sénat est un enjeu plus complexe qu’il n’y paraît ou que certains veulent bien admettre.
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