Dans le département de la collecte de fonds, les partis n’ont plus le choix. Scandales, favoritisme, enveloppes brunes, décrochage politique des citoyens et l’adoption récente de lois plus contraignantes, les obligent de plus en plus à rivaliser d’imagination côté financement populaire.
Le financement occulte des partis ayant été amplement exposé, les lois ayant été resserrées et le financement public des partis ayant été bonifié au Québec comme palliatif, la course aux dons individuels n’arrête pas pour autant.
Au Québec, la Coalition avenir Québec (CAQ) de François Legault joignait récemment l’utile à la collecte de fonds en postant une «pétition» accompagnée d’une demande de don à la CAQ. La pétition en question réclamait du gouvernement Marois qu’il poursuive les entreprises ayant participé à la collusion dans l’industrie de la construction.
Toujours à la CAQ, pour un don de 100$ – la contribution maximale maintenant permise par la loi -, les électeurs intéressés peuvent même se joindre à son «Club des bâtisseurs».

Site web de la CAQ.
En échange, les membres ont droit à des invitations «à des événements avec la présence de M. François Legault», une carte de membre du Club, une invitation au «cocktail Club des Bâtisseurs lors des congrès et des conseils généraux», de même qu’à des «mises à jour et des informations exclusives» et, pourquoi pas, une jolie «épinglette» du Club…
Sur le site web du Parti libéral du Québec, une vidéo intitulée «Le changement a commencé» présente son nouveau chef Philippe Couillard sous son meilleur jour. Même si la collecte de fonds n’est pas l’objectif visé directement par la vidéo, elle pourrait à terme lui attirer quelques dons. Pour ce qui est du financement populaire, le PLQ en a d’ailleurs grandement besoin. Après être redevenue sous Jean Charest, une redoutable «machine à ramasser de l’argent», la récolte semble être plus modeste au PLQ par les temps qui courent.
Au Parti québécois, étant au pouvoir et n’ayant pas souffert jusqu’à maintenant de grands scandales financiers, sa capacité d’attirer des dons individuels est plus grande que celle des autres partis. En plus des invitations habituelles sur son site web à «donner» au PQ directement ou dans le cadre d’activités partisanes, ceux qui le souhaiteraient peuvent même «déjeuner» avec le député Léo Bureau-Blouin sans obligation de cotiser.
Au fédéral, c’est une autre histoire. Les conservateurs de Stephen Harper ont monté au fil des ans une gigantesque machine à collecter des fonds. Clientélisme chirurgical et publicités négatives contre les chefs des partis adversaires – toutes les occasions furent et demeurent bonnes pour engranger les dons.
Pour le Parti libéral du Canada (PLC) et le NPD, la course aux dons devient d’autant plus essentielle qu’une fois devenu majoritaire en 2011, Stephen Harper s’est empressé de livrer sa promesse d’abolir à terme la portion «publique» du financement des partis.
Chanceux malgré tout, l’élection de Justin Trudeau à leur tête fait résonner depuis la caisse enregistreuse des libéraux. En trois semaines à peine, les coffres du PLC recevaient plus d’un million de dollars en dons. Le tout, en provenance directe de 14 000 électeurs.
Même les premières publicités négatives «anti-Justin» diffusées par les conservateurs dès le lendemain de son élection, ont permis aux libéraux d’amasser des fonds pour les «aider» à «répondre» aux attaques de l’adversaire conservateur qui, lui, se servait des mêmes publicités négatives pour remplir ses propres coffres… Le cycle de la vie politique, quoi.
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Loto-Justin
Or, tout au moins dans le département de l’imagination, les libéraux viennent de les battre tous à plate couture.
Sur son site web, le PLC annonce en effet un «concours». Eh oui, un «concours» intitulé «Ce BBQ est pour vous» présenté sous la forme d’un «tirage».

Site web du PLC.
En échange d’un don de 5$ ou plus au PLC, ces électeurs n’ont pas la chance de gagner un vulgaire barbecue, mais carrément ceci, signé par Justin Trudeau lui-même :
«Si vous gagnez, je vais organiser une soirée barbecue sympathique dans votre ville en compagnie de quatre de vos invités. En fait, ce n’est pas qu’un simple repas. Il s’agit de faire les choses différemment ; s’asseoir à côté du barbecue et avoir une vraie discussion en tête-à-tête au sujet du Canada que nous voulons bâtir.
Je crois au pouvoir qu’ont les conversations franches et directes avec les Canadiens et Canadiennes. C’est ainsi que nous allons faire les choses différemment et c’est là l’objectif de ce concours.
Faites un don de 5 $ ou plus avant la date limite du 30 juin et vous serez automatiquement inscrit(e) au tirage.»
Une soirée barbecue avec Justin Trudeau pour le gagnant-gagnante et tout juste quatre de ses invités. Non, mais, avouez que c’est dur à battre comme idée de collecte de fonds.
De toute évidence, côté financement populaire, le PLC – et sans mauvais jeu de mots -, entend «tabler» pleinement sur la popularité personnelle de M. Trudeau auprès d’une tranche importante de l’électorat canadien.
Combien d’électeurs seront ainsi tentés – pour un minimun de 5$ – de courir la «chance» de lancer quelques steaks sur le barbecue avec Justin Trudeau tout en «jasant» Canada? Une vraie Loto-Justin.
Et ce n’est pas tout. Lorsqu’on clique sur le lien indiquant «Ne manquez pas la chance de participer à ce concours. Un don de 5 $ ou plus dès maintenant et vous serez automatiquement inscrit(e) au tirage», une surprise attend même les visiteurs. Dans les règlements, on y indique qu’on peut «participer en contribuant au Parti libéral du Canada» ou encore,« s’inscrire sans contribuer».
Bref, c’est une manière comme une autre d’allonger en même temps la liste des contributeurs futurs potentiels puisque même une inscription sans contribution vaudra à la dite personne de «recevoir des courriels périodiques du Parti libéral du Canada».
On connaissait déjà les multiples et légendaires épluchettes de blé d’inde et soupers spaghettis que doivent fréquenter les politiciens depuis des lustres pour tenter de séduire les électeurs et leurs carnets de chèque.
Or, un «tirage» pour «gagner» un BBQ intime avec le chef d’un parti ambitionnant un retour possible au pouvoir à la tête d’un pays du G20, ça, c’est vraiment du nouveau.
À l’ère post-Gomery et en pleine commission Charbonneau, il faut croire que l’art de la collecte de fonds change.
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