
Le lancer du coup d’épée dans l’eau.
C’est jour de ma «citation de la semaine». Aujourd’hui, elle nous vient courtoisie de Christian Paradis, le fidèle lieutenant de Stephen Harper au Québec :
«De là à dire « toi, le fédéral, tu fais un chèque et tu te fermes la boîte« , les gens n’achètent pas ça. Il y a une vision d’infrastructure qui doit être nationale. C’est toujours le même contribuable, mais les gens se fient à ce qu’il y ait une vision pancanadienne.»
Le ministre de l’Industrie fait référence à l’annonce du gouvernement Marois sur la création d’un comité pour évaluer le coût d’un certain nombre de «dédoublements» de dépenses créés par l’ingérence d’Ottawa dans les compétences du Québec.
Dixit Alexandre Cloutier, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes :
« Le gouvernement veut économiser et faire le ménage pour que les Québécois cessent de payer en double les services.»
Le tout faisant partie de sa soi-disant stratégie de «gouvernance souverainiste».
En réaction, Christian Paradis annonce que dorénavant, le gouvernement Harper se fera plus «volubile» et plus «combatif» face au gouvernement Marois et ce qu’il appelle son «comité de chicane»….
Quelques constats :
Hormis d’être pittoresque, cette citation de Christian Paradis montre surtout à quel point les conservateurs sont nerveux depuis l’«affaire Wright-Duffy». Cette «affaire» étant celle de la signature par le dorénavant ex-chef de cabinet de M. Harper – Nigel Wright – d’un chèque personnel de 90 000$ au sénateur Mike Duffy pour «rembourser» des dépenses que le sénateur n’aurait jamais dû facturer aux contribuables.
Depuis, les tuiles politiques leur tombent sur la tête les unes après les autres pendant que les enquêtes policières se multiplient du Sénat au bureau même du premier ministre.
Piquant du nez dans les sondages et ayant perdu leur image de chevaliers de la propreté, chez les conservateurs, on semble donc croire qu’une bonne bataille avec un gouvernement dit de «séparatistes» ne leur ferait peut-être pas de tort au Canada anglais ou chez les Anglo-Québécois séduits par Justin Trudeau.
Quant au gouvernement Marois, souffrant depuis plusieurs mois d’une chute vertigineuse dans les sondages, on semble aussi y croire que de brasser un peu la cage face au fédéral ne lui ferait peut-être pas de tort, non plus. Question de montrer aux militants qu’il tente au moins «quelque chose» face à Ottawa et de tenter de ramener au bercail quelques votes de souverainistes déçus de l’ensemble de son œuvre depuis l’élection du 4 septembre.
Or, au-delà de ces motivations passablement évidentes, il reste ceci.
À part de provoquer quelques vagues bâillements dans le ROC, cet épisode ne fera rien pour aider des conservateurs pris au cou par des allégations d’éthique trop élastique.
Si chiffrer une partie de ces fameux «dédoublements» dont on parle au Québec depuis Maurice Duplessis n’est certes pas une mauvaise chose en soi, il reste que ça risque de provoquer des bâillements équivalents au Québec. Pourquoi?
Primo : parce que Stephen Harper ne se laissera pas émouvoir par quelque chiffre que ce soit. En cela, il aurait d’ailleurs l’opinion publique anglo-canadienne de son bord, laquelle voit depuis longtemps le Québec comme l’«enfant gâté» de la fédération…
Secundo : parce que l’annonce du ministre Cloutier n’a rien à voir avec l’option souverainiste.
La question des «dédoublements» – ou des chevauchements – fait partie du paysage politique québécois depuis les années 1940. Tous les premiers ministres les ont dénoncés.
Pour les fédéralistes, la seule méthode efficace fut celle de Jean Lesage dans les années 60. Or, elle fonctionna essentiellement parce qu’il était face à un premier ministre fédéral libéral plus ouvert d’esprit sur ces questions – Lester B. Pearson.
Cherchant par définition à mieux faire fonctionner la fédération et à le faire au bénéfice du Québec,le premier ministre Lesage avait réussi à négocier avec Ottawa un droit de retrait pour certains programmes «conjoints».Il retirait aussi le Québec de certains programmes dits à frais partagés établis et obtenait en échange une compensation.
Depuis l’arrivée au pouvoir de Pierre Elliott Trudeau en 1968, c’est plutôt le dialogue de sourds entre Québec et Ottawa sur cette question. Du moins, la plupart du temps. Personne ne pouvant forcer la main du fédéral, les complaintes du Québec se terminent souvent en queue de poisson.
Et côté souverainiste, il est évident que le gouvernement Marois – déjà aux prises avec un taux d’insatisfaction frôlant les 70% depuis plusieurs mois -, ne convaincra personne d’épouser cette option ET/OU de voter pour lui pour l’unique raison d’«économiser» de l’argent. De surcroît sans le moindre petit référendum se pointant à l’horizon, tout cela est condamné aux petites oubliettes de l’Histoire.
Bref, plutôt que de s’occuper de son option et de redresser l’ensemble de sa gestion de l’État, ce gouvernement préfère multiplier les coups d’épée dans l’eau dans l’espoir de raviver la flamme vacillante de sa propre clientèle électorale traditionnelle.
Il faut dire qu’à entendre Christian Paradis faire semblant d’être fâché, fâché, il est loin d’être le seul à le faire…
***

Photo : F. Vachon / PC
Sur ce, je vous souhaite à tous et toutes une très belle Fête nationale!
Et surtout, à la lumière des révélations qui se bousculent à la commission Charbonneau, je nous souhaite de ne pas succomber aux plumes vinaigrées selon lesquelles LE Québec serait corrompu. Cette corruption, elle est le produit de plusieurs facteurs, dont l’aveuglement volontaire d’une partie de sa classe politique et de ses notables. Si l’on clonait la commission Charbonneau au fédéral et quelques autres provinces, qui sait si un constat similaire ne finirait pas un jour par s’y faire?
LE Québec n’est pas corrompu, pas plus que ne l’est LE Canada. Ces glissements routiniers et ses extrapolations répétitives sur LE Québec dégagent un parfum qui n’a rien à voir, mais vraiment rien du tout, avec l’analyse…
Cet article Citation de la semaine: faire un chèque et «fermer sa boîte»? est apparu en premier sur L'actualité.
Consultez la source sur Lactualite.com: Citation de la semaine faire un chèque et «fermer sa boîte