Cet après-midi et pour la première fois depuis la démission de son chef de cabinet, le premier ministre Stephen Harper avait l’occasion de répondre aux Communes aux questions sur l’affaire Wright-Duffy. Il a préféré se défiler, laissant au ministre du Patrimoine, James Moore, le soin de répliquer à l’opposition. Il faudra attendre demain, mardi, pour l’entendre rendre des comptes au Parlement.
Malgré cela, le ministre Moore s’est permis d’essayer de faire la leçon à l’opposition en matière de reddition de comptes. Mais peu importe la question, il esquivait, renversait les rôles, détournait l’attention vers la réforme du Sénat, déformait les faits.
Ainsi, chaque fois que l’opposition a voulu savoir si quelqu’un d’autre au bureau du premier ministre était au fait du don de 90 000 $ de Nigel Wright au sénateur Mike Duffy, M. Moore soutenait que M. Wright avait déclaré avoir agi seul.
Ce qui n’est pas le cas. Au moment de sa démission, Nigel Wright a écrit: «I accept sole responsibility» (j’accepte l’entière responsabilité) pour ce qui s’est produit. Il n’a jamais dit que personne d’autre n’avait été mêlé à cette combine, seulement qu’il n’en avait pas informé le premier ministre.
Cette première période de questions durant laquelle le gouvernement avait l’occasion de clarifier les faits, de dissiper la confusion, de montrer patte blanche a plutôt donné lieu à un triste spectacle marqué par la mauvaise foi et la malhonnêteté intellectuelle.
Un exemple parmi d’autres. Au chef néo-démocrate Thomas Mulcair qui voulait savoir quand le premier ministre répondrait aux questions en Chambre, M. Moore a dévié du sujet pour assimiler sans cohérence aucune reddition de comptes et réforme du Sénat.
«Le premier ministre assume la responsabilité et rend des comptes en allant de l’avant avec ce que nous avions dit que nous ferions, c’est-à-dire la réforme du Sénat, a dit le ministre. Une réforme que les Canadiens veulent. Voilà ce que notre gouvernement fait. Si le chef de l’opposition croit vraiment à la reddition de comptes, il appuierait ces réformes en faveur de la limitation du mandat et de l’élection des sénateurs. S’il croit vraiment à la reddition de comptes, peut-être pourrait-il nous dire combien de députés du NPD n’ont pas payé leurs taxes.»
M. Moore faisait référence au député néo-démocrate Tyrone Benskin dont une partie du salaire a été saisie par Revenu Québec afin d’éponger des impôts impayés. Ce que M. Moore a omis de dire est que Thomas Mulcair a immédiatement relevé le député de ses fonctions au sein de son cabinet fantôme, un geste que le premier ministre n’a jamais posé quand un de ses ministres a fait un faux pas. De Bev Oda à Tony Clement en passant par Jim Flaherty, Christian Paradis, Peter MacKay et j’en passe, la réaction a toujours été de les défendre, de blâmer l’opposition ou un subalterne. Certains, comme Tony Clement, ont même eu droit à une promotion.
Dans le dossier Wright-Duffy, le premier ministre a dit être fâché et désolé, mais il a aussi dit que son ancien chef de cabinet était le seul responsable («he is solely responsible»). M. Harper n’a jamais dit qu’il assumait lui-même une partie de la responsabilité étant donné que M. Wright était son bras droit, qu’il s’agissait de son bureau et qu’il avait lui-même nommé le sénateur Duffy.
Avant de faire la leçon aux autres, les conservateurs devraient réapprendre comment épeler les mots responsabilité et reddition de comptes et, surtout, en redécouvrir le sens.
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