À entendre les conservateurs en Chambre aujourd’hui, lundi, la Cour fédérale n’a fait qu’une chose, les blanchir dans le dossier des appels automatisés trompeurs de la dernière campagne électorale fédérale. Ils n’ont donc plus à s’en faire. Si telle est leur réaction au jugement rendu jeudi dernier par le juge Richard Mosley, les électeurs ont toutes les raisons d’être inquiets.
Car ce jugement percutant est catégorique. Si on ne peut identifier le ou les responsables de ces appels, il est possible d’établir qu’il y a eu «fraude», «que des appels trompeurs quant à l’emplacement de bureaux de scrutin ont été faits à des électeurs de circonscriptions partout au pays, y compris les [six] circonscriptions ici en cause, et que l’objet de ces appels était de supprimer le vote d’électeurs qui avaient, lors d’appels antérieurs d’identification, mentionné pour qui ils entendaient voter ».
Le point crucial de cette décision que les conservateurs préfèrent ignorer est le suivant.
« La source la plus probable des renseignements utilisés pour procéder aux appels trompeurs était la base de données du SGIC [système de gestion de l’information pour les circonscriptions] du PCC [Parti conservateur du Canada] tenue et contrôlée par le PCC, et qu’une ou des personnes actuellement inconnues à cette Cour ont accédé à cette base de données à cette fin.»
Le juge Mosley déplore par ailleurs la résistance des conservateurs à faire toute la lumière sur cette affaire. « D’entrée de jeu, la présente instance a été teintée de partisanerie. Cela ressortait de manière particulièrement manifeste des observations présentées par les députés défendeurs », écrit-il. Il parle d’«une guerre de tranchées» à laquelle se seraient livrés ces députés «pour essayer d’empêcher que la présente affaire soit entendue sur le fond ».
Il ajoute:
« Bien qu’il soit manifestement d’intérêt public d’aller au fond des choses face aux présentes allégations, le PCC [Parti conservateur du Canada] a dès le départ fait bien peu d’efforts pour aider au déroulement de l’enquête, et ce, même si on le lui avait demandé tôt. […] Quoiqu’ils aient concédé à contrecoeur pendant la plaidoirie que les événements survenus étaient “totalement scandaleux”, les députés défendeurs ont eu pour position d’entrée de jeu, d’après le dossier, de faire obstacle par tous les moyens à la présente procédure. »
L’opposition a tenté de connaître la réaction du gouvernement. Elle fut désolante étant donné la gravité du sujet. On parle ici de l’intégrité du processus électoral et de la confiance des citoyens en leur système démocratique. Comme le dit le juge et l’a répété le directeur général des élections (DGÉ) Marc Mayrand.
Mais tout ce que le secrétaire parlementaire Pierre Poilievre a jugé bon de faire est d’ignorer le fond de la question sous prétexte que le Conseil des Canadiens a soutenu les plaignants. «La contestation judiciaire a été une tentative partisane d’un groupe qui avait perdu des élections et qui voulaient renverser les résultats que les Canadiens avaient donnés. Le juge en question a dit ceci, et je cite: ‘Rien ne permettait de conclure que le Parti conservateur ou que des candidats du Parti conservateur avaient été directement impliqués dans les manoeuvres visant à tromper les électeurs’. »
La libérale Joyce Murray lui a rappelé avec justesse qu’il y avait deux possibilités, «soit que les conservateurs ont utilisé volontairement la base de données, soit que cette base de données fut piratée». Dans les deux cas, l’affaire est grave. Quand elle a voulu savoir ce que le gouvernement comptait faire, M. Poilievre a offert une réponse similaire à la première, avec en supplément une attaque contre les libéraux au sujet de la réforme du Sénat…
Avec ce genre de réponses, les conservateurs renforcent l’impression qu’ils ne tiennent pas à apporter les changements promis à la loi et se soucient peu de l’intégrité du processus électoral. Les modifications nécessaires sont pourtant connues. Le directeur général des élections a produit un rapport spécial sur le sujet à la fin mars.
Le gouvernement avait annoncé un projet de loi à la mi-avril, mais a reculé la veille du dépôt. Depuis, rien. Le ministre responsable de la réforme démocratique Tim Uppal a seulement dit aujourd’hui – après une longue diatribe contre le NPD – que son projet de loi serait présenté dans «un avenir pas trop lointain».
Mais plus il tarde, plus il rend difficile la mise en œuvre, en temps opportun, des dispositions nécessaires à la prévention d’une autre fraude du genre lors des élections de 2015. Faudra-t-il conclure, s’il traîne encore, que les conservateurs ne le veulent pas vraiment?
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