«Nos attitudes envers l’exploitation des ressources naturelles doivent changer, sinon c’est notre économie qui va se trouver au fond du trou». Tel est le message percutant qu’a livré avec passion l’entrepreneur d’origine mascoutaine Pierre Lassonde lors du discours de clôture du congrès de l’Association des économistes québécois, à Québec.
Pierre Lassonde serait l’équivalent dans le domaine minier international de Céline Dion dans la musique populaire. C’est du moins l’opinion d’André Gaumond, président de Mines Virginia, qui l’a présenté aux convives. Franco-Nevada, la société qu’il a créée en 1983 et rachetée en 2008, ne possède pas de mines, mais des droits. Elle recueille ainsi quelque 400 millions de dollars de redevances par année, ce qui se traduit pour l’essentiel en profits nets, et son encaisse dépasse le milliard de dollars.
Pierre Lassonde est aussi l’auteur de deux livres qui font autorité chez ceux qui investissenent dans le domaine minier. Il est également connu pour ses importantes contributions aux universités – des dons de 75 millions de dollars – et aux musées, comme sa contribution de 10 millions de dollars au Musée national des Beaux-Arts du Québec, dont il est le président du conseil. Bref, ce n’est pas le dernier venu.
Devant la ministre Martine Ouellet et Pierre-Karl Péladeau, Pierre Lassonde a osé faire une comparaison entre un projet d’amphithéâtre de 400 millions de dollars payés par les contribuables et un projet minier. Dans le premier cas, presque tous les emplois créés seront dans le secteur des services et seront peu rémunérés. Le budget global consacré aux divertissements n’augmentera pas et on assistera seulement à une diminution des sommes consacrées à d’autres activités. Ce sera un beau projet, mais sans grandes retombées économiques.
En comparaison, la mine Osisko, à Malartic, a nécessité des investissements de 1,4 milliard. La moyenne des salaires accordées aux 812 employés est de 100 000 dollars par année alors que la moyenne pour les cols bleus au Québec est de 42 000 dollars. 600 de ces travailleurs sont actionnaires de l’entreprise. Si le prix moyen de l’or se maintenait aux environs de 1600 dollars l’once, la mine devrait rapporter 2 milliards de dollars au trésor public pendant ses années d’activité.
Pourtant, prétend Pierre Lassonde, on n’entendrait que mépris et hostilités envers l’industrie minière. L’industrie aurait pourtant besoin «d’un peu d’amour et de compréhension» pour investir au Québec.
L’entrepreneur a fait des comparaisons avec l’Australie où il y a 73 projets en cours de réalisation représentant des investissements de 268 milliards de dollars. «Il y a dans ce pays une symbiose entre la population et le développement des ressources naturelles». Il a aussi parlé du Chili, le géant du cuivre, où le fardeau fiscal n’est que de 20 % si les profits sont réinvestis au pays et 35 % au maximum.
«Il y a une grande ambilance envers les ressources naturelles dans une partie de la population et des politiciens québécois. Certains croient qu’exploiter une mine est l’équivalent d’une promenade dans le jardin.»
Toute une promenade ! Brian Coates, d’Osisko relatait plus tôt toutes les étapes qui ont conduit à la réalisation de la plus grande mine d’or du Québec. L’entrepreneur fait d’abord l’hypothèse qu’il pourrait y avoir un gisement sur un terrain donné. Il achètera des droits, les fameux claims. Il devra vérifier son hypothèse en faisant de la prospection, en forant dans le sol et en commandant une étude de faisabilité. Il devra ensuite intéresser les investisseurs et trouver plus d’un milliard de dollars sur les marchés financiers pour financer l’opération. Ce n’est pas tout, Osisko a dû obtenir 393 permis et autorisations avant de débuter ses activités.
«Personne ne croyait à ce projet», racontait Bran Coates. «On disait qu’il n’y avait plus d’or à Malartic. Que c’était incensé de déménager 20 % de la ville. Qu’on n’obtiendrait jamais 1 milliard de dollars, surtout en pleine crise financière et qu’on serait forcément racheté par un géant international si le succès était au rendez-vous».
Osisko a dépensé 1,2 milliard avant d’obtenir son premier dollar de revenu. Elle n’avait aucune idée au début du projet du prix de l’or quand la mine sera en exploitation plusieurs années plus tard. L’entreprise québécoise, dont le siège social est à Montréal, espère devenir une véritable multinationale et travaille déjà sur des projets à l’étranger.
Revenons à Pierre Lassonde qui donnait l’impression de faire l’éducation économique de la ministre Ouellet, assise en face de lui à la table d’honneur. L’industrie minière est une affaire à haut risque où un seul claim sur 2000 deviendra une mine en activité. Il faut investir des milliards et la durée de vie d’une mine, le temps nécessaire pour dégager des profits pour récompenser les investisseurs du risque pris et de leur patience, est d’en moyenne 15 ans, rarement plus de 20-25 ans.
«Si l’industrie fait des profits, il y en aura qui diront qu’il sont à eux et il faudra arrêter les travaux dès que les premiers protestataires se présenteront. Et si on parle de nous, ce sera parce que nous serions des exploiteurs et des gens qui viennent prendre nos ressources. Je caricature, mais c’est ce comprennent les investisseurs de Londres, de Melbourne ou de New York», dit-il.
«On n’est plus dans le coup au Québec», dit-il.
Cet article L’entrepreneur et la ministre est apparu en premier sur L'actualité.
Consultez la source sur Lactualite.com: L’entrepreneur et la ministre