Vendredi dernier, j’ai participé à l’émission 24 h en 60 minutes sur RDI pour analyser les perspectives apportées par l’organisation de la prochaine conférence internationale sur la Syrie. Ci-dessous, les trois principales réflexions qui sont ressorties de cette entrevue :
- La Syrie est le nouvel Irak. C’est en tout cas l’argument de Joshua Landis. Il est vrai que Damas n’a pas subi une occupation étrangère, mais tout comme l’Irak, le pouvoir central syrien s’est fragmenté et a réveillé les tensions ethniques préexistantes. Il y a aujourd’hui trois Syrie : l’une Alaouite qui représente le régime de Bachar al-Assad et soutenu par l’Iran et le Hezbollah libanais. L’une Sunnite, celle de la rébellion soutenue par l’Arabie Saoudite et les pétromonarchies du Golfe et dont la majorité des combattants armés sont affiliés à Al-Qaida ou d’obédiences salafistes. Enfin une Syrie kurde, proche du PKK en Turquie et du Kurdistan irakien.
- Les débordements régionaux ont activé la proposition d’une nouvelle conférence sur la Syrie. Il suffit de regarder l’actualité des deux dernières semaines : bombardement israélien en Syrie, attentat en Turquie, vidéos extrêmement violentes qui circulent sur Internet (même si sur ce point, comme l’explique cet article, ces vidéos doivent être réinterprétées dans le contexte de leur production). Le conflit syrien est une guerre qui implique tous les acteurs de la région et l’idée du ministre des affaires étrangères russe d’inclure l’Iran à la conférence de « Genève 2 » s’inscrivait dans cette logique. Téhéran ne veut pas perdre en Bachar Assad un de ses plus fidèles alliés au profit d’une nouvelle Syrie favorisant l’influence de puissance régionale sunnite, comme l’Arabie Saoudite, le Qatar ou la Turquie. Exclure l’Iran de cette conférence ne peut finalement que l’encourager à maintenir son inconditionnel support pour le régime à Damas.
- Pour Barack Obama, aucune solution n’est vraiment la bonne. La diplomatie américaine n’est pas inactive mais elle ne pourra avoir qu’un impact très limité sur l’avenir de la Syrie. Obama perçoit effectivement dans une éventuelle fin du régime Assad, avec les conséquences que cela implique pour Téhéran, une occasion d’être en position de force pour les négociations sur le nucléaire tout en assurant la sécurité de ses principaux alliés : Israël, la Turquie et l’Arabie-Saoudite. Néanmoins soutenir la rébellion ne va pas forcément dans l’intérêt de Washington. La grande majorité des groupes armés sont affiliés à Al-Qaida. Par exemple l’enquête de Dexter Filkins soulève que des membres de Jabhat al-Nusra ont travaillé pour Moussab al-Zarqaoui en Irak. Ils ont aussi retenu les leçons de leur échec irakien et plutôt que de terroriser la population en Syrie, les jihadistes obtiennent un soutien sur le terrain. Soutenir les rebelles équivaut alors pour Washington le risque de soutenir les moudjahidin afghans contre les Soviétiques dans les années 1980 : un nouveau sanctuaire pour Al-Qaida, mais cette fois aux frontières de la Jordanie, du Liban, de la Turquie et d’Israël.
Julien Saada
Doctorant en science politique @UQAM
Directeur adjoint, Observatoire sur le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, Chaire @RDandurand
Twitter @JulienSaada
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