Le monarque de Laval n’a jamais fait les choses à moitié. Gilles Vaillancourt, le premier politicien visé par des accusations de gangstérisme, aurait été à la tête d’une gigantesque machine à détrousser ses concitoyens qui l’ont élu et réélu béatement pendant 23 ans.
De nouveaux détails émergent encore samedi sur le projet Honorer, qui s’est soldé jeudi par l’arrestation de M. Vaillancourt et 36 présumés complices. Des ingénieurs, des entrepreneurs, des avocats et des fonctionnaires de la Ville sont soupçonnés d’avoir participé aux stratagèmes de corruption et de collusion dans l’octroi des contrats. La période visée par les accusations couvre les années 1996 à 2000, bien que le réseau, surnommé «le ring», aurait été en place avant même l’élection de M. Vaillancourt en 1989.
L’ex maire serait le «gestionnaire» de ce groupe organisé, rapporte La Presse en citant des documents policiers. «Gilles Vaillancourt sait tout à Laval et ses hommes à lui, ses amis, ses partenaires d’affaires sont dans tout», affirme le dossier qui a servi à obtenir les mandats de perquisition.
Le système était tellement bien rodé qu’il existait un registre du partage des soumissions entre les entrepreneurs qui devaient verser une ristourne de 2 % au maire, à son entourage ou à son parti, le PRO des Lavallois. Hormis quelques exceptions, «tous les contrats étaient arrangés à l’avance avec une remise de 2 %», a relaté une source aux enquêteurs.
Le dépôt d’accusations de gangstérisme contre M. Vaillancourt et les deux plus hauts fonctionnaires impliqués, Claude Asselin (l’ex directeur général) et Claude Deguise (l’ex directeur général de l’ingénierie) tombe sous le sens malgré le caractère inusité de la démarche.
Gilles Vaillancourt est traité comme le chef du gang criminel au sein duquel évoluaient les fonctionnaires Asselin et Deguise. L’ex maire est fin seul à être accusé en vertu de l’article 467.13 du Code criminel, pour avoir chargé, directement ou indirectement, à ses présumés complices de commettre des crimes au profit, en association ou sous la direction de l’organisation criminelle.
Du coup, Gilles Vaillancourt fait son entrée dans le cercle peu enviable des chefs de gangs que la justice débusque habituellement dans la mafia, les Hells Angels ou les gangs de rue.
Si le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a pu déposer des accusations de gangstérisme contre les Vaillancourt, Asselin et Deguise, c’est grâce au précédent établi en juillet dernier par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Venneri.
Dans cette affaire de trafic de drogue, le plus haut tribunal du pays a allégé le fardeau de preuve requis en matière de gangstérisme. Nul besoin de parader en veste de cuir sur une bruyante Harley-Davidson, ou de jurer son respect absolu au code de conduite des «hommes d’honneur» pour être traité comme un gangster.
Carmelo Venneri était l’associé d’un autre trafiquant pour l’approvisionnement en cocaïne. Il n’était pas membre de son organisation, et il agissait plutôt avec une grande indépendance, se moquant des concepts de loyauté et de subordination si importants dans la vie associative des organisations criminelles. Le deux hommes transigeaient la poudre blanche en fonction de leurs intérêts du moment, sans plus.
La Cour suprême a jugé que Venneri avait quand même fait le trafic en association avec un gang. Grâce à cet arrêt, les tribunaux n’ont plus à se conformer à «un modèle stéréotypé» du crime organisé pour apprécier une preuve de gangstérisme. «Certaines entités criminelles qui ne correspondent pas au paradigme classique du crime organisé peuvent [...] en raison de leur cohésion et de leur longévité, représenter le genre de menace très sérieuse visée [par la loi antigang», a tranché la Cour suprême.
La Cour a prêché en faveur de la souplesse dans l’appréciation de ce qu’est un gang. Il suffit de:
- Trois personnes;
- Dont une des activités principales est de commettre ou faciliter la perpétration de crimes graves (passibles de plus de cinq ans de pénitencier) à des fins d’enrichissement personnel;
- Possédant une forme de structure et une continuité dans le temps.
Ça commence à ressembler dangereusement au cas Vaillancourt. Le surnom de Gangsta Gilles lui va à ravir, ceci dit bien sûr en reconnaissant qu’il est innocent jusqu’à preuve du contraire.
À vue de nez, les douze accusations de complot, fraude, abus de confiance, corruption, recyclage des produits de la criminalité et gangstérisme portées contre lui pourraient lui valoir une lourde peine de pénitencier:10 ans, 15 ans… peut-être même un peu plus.
Dans les affaires de crime organisé, les peines de gangstérisme sont additionnées à celles qui sont imposées pour les autres chefs d’accusation. Et il faut purger au moins la moitié de la peine de gangstérisme.
Vincent Lacroix en a pris pour 13 ans, sans qu’il n’ait été question de gangstérisme dans son cas. J’imagine mal comment Gilles Vaillancourt pourrait s’en tirer mieux que le fourbe
Jeudi, M. Vaillancourt est entré menottes aux poignets dans le palais de justice qu’il avait inauguré en 1992. Libéré sous conditions quelques heures plus tard, il s’est adressé aux médias pour clamer haut et fort son innocence.
Cet homme en plein contrôle de ses moyens et de son écosystème pendant près d’un quart de siècle est encore soucieux de son image et de sa réputation. Surtout, il veut retrouver la sérénité requise pour préparer sa défense. Il en aura bien besoin pour éviter l’inconfortable quiétude de la prison.
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