Depuis presque 20 ans, Guillaume Lord mobilise sa science de l’espace et son sens des perspectives pour créer, au Québec et à l’étranger, des écrins à des spectacles de tous horizons : théâtre, danse, cirque, opéra, variétés.
Son rôle : rendre l’aire de jeu active, si ce n’est actrice. Sa manière : « J’essaie d’apporter un peu de poésie en sous-texte. » Et cela, avec du contreplaqué, de la toile et du métal !
S’il vous arrive de ne pas prêter attention au décor d’une production, vous n’oublierez pas de sitôt le cadre qu’il a inventé pour Odysséo (67 chevaux, 45 artistes), de Cavalia, de retour à Laval à compter du 16 mai. Une cavalcade qui vous ficellera, conquis, comme un enfant au feu d’artifice.
Jusque dans les années 1970, on parlait de décor pour désigner « la représentation figurée du lieu où se passe l’action ». Aujourd’hui, on dit scénographie. Qu’est-ce qui a changé ?
La mutation du mot n’enlève rien au génie des décorateurs qui nous ont précédés. Le terme « scénographie » englobe la mise en place de tous les éléments dans l’espace scénique dont on dispose, y compris le décor.
Vous travaillez régulièrement avec Serge Denoncourt, Claude Poissant, Jean Grand-Maître. Pourquoi les autres metteurs en scène ne font-ils pas appel à vos services ?
Peut-être pensent-ils que je suis trop occupé — il est vrai que je le suis pas mal — ou trop cher, ce que je les inviterais à vérifier ! Plutôt que de travailler avec tout le monde dans le même milieu, je préfère élargir le cercle en explorant plusieurs domaines : cirque, danse, opéra, cinéma. Ou le design d’expositions [Riopelle et Botero, au Musée national des beaux-arts du Québec]. Ou encore la conception d’un lustre [gigantesque !] pour le théâtre Corona, à Montréal.
Vous ne choisissez ni la pièce, ni le metteur en scène, ni le théâtre, ni le budget. Le scénographe a-t-il d’autres contraintes ?
Le temps. Je suis pigiste, comme la majorité des scénographes. Arriver à rester entier sur chacune des productions quand on en mène quelques-unes simultanément représente un défi. Et puis, il faut penser à remplir le puits, se ressourcer, visiter des musées, garder une santé émotive.
On voit des scénographes placer parfois les interprètes dans des conditions dangereuses : plans trop inclinés, eau, boue, etc. Cela vous arrive-t-il ?
Au cirque, la scéno peut participer du jeu des acrobates. Mais au théâtre, j’évite de rendre les comédiens mal à l’aise. Un bon spectacle est celui où tous les intervenants atteignent leur pleine performance. Si un comédien entre en scène en pensant à maintenir son équilibre…
Et quand il s’agit de chevaux, comme dans Odysséo ?
Alors là, je deviens scénographe vétérinaire. Le cheval ne peut pas dire qu’il se sent en situation d’insécurité, qu’il n’arrivera pas à négocier la courbe que j’avais imaginée. Avec l’aide du chorégraphe équestre, je veille à lui faciliter la tâche, car c’est lui la bête de scène. Comment prendre en compte les demandes des chevaux et traduire le tout en faisabilité et en émotion ? Beau pari.
Dans ce spectacle donné sous chapiteau et sur une scène de 27 000 pi2 apparaissent une forêt, une plaine, un lac, des collines, même… Comment faites-vous ?
Ce n’est pas une illusion, mais de vraies collines qui ont requis l’usage de bulldozers. L’idée que ça soit impossible à faire me stimule. Le reste, c’est de l’imagination, de l’expérience, de la technique et des secrets ! J’ai mis un an de travail pour Odysséo.
Qu’advient-il des décors, une fois une production terminée ?
On les démolit ! Il y a des jours où je rêve de faire de l’architecture. Je construirais peut-être un seul immeuble, mais il resterait debout !
• Odysséo, 2805, boul. du Souvenir, à Laval, du 16 mai au 9 juin, 1 866 999-8111.
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