Le gouvernement minoritaire de Pauline Marois a le don de se mettre les pieds dans les plats. Cette fois, il n’est pas question de nominations partisanes, mais de l’indépendance même de la commission Charbonneau face au pouvoir politique.
Pour la première fois depuis le début des travaux, le Parti québécois (PQ) a été impliqué directement dans une histoire de pots-de-vin. L’ex organisateur Gilles Cloutier, un pro des élections clefs en mains, raconte qu’il a versé 100 000 $ à un ami du ministre des Transports, Guy Chevrette, pour changer le cours d’un appel d’offres sur le prolongement de la route 125, en 2001. M. Chevrette et son ami, Gilles Beaulieu, nient tous deux son témoignage.
Le vice-premier ministre, François Gendron, a reproché à la commission de salir toute la classe politique et de manquer de prudence, rapporte le collègue Tommy Chouinard.
«C’est grave. Je suis un type qui a un nom, une crédibilité, et je suis allé en politique pour contrer ce que l’on décrit. Je pense que je suis un gars intègre, et là, on y va “all out”, comme si on était tous des pareils», a lancé le doyen de l’Assemblée nationale.
Plutôt que de le rappeler à l’ordre, la première ministre Pauline Marois a suggéré que la commission fasse son travail «avec plus de prudence».
C’est le monde à l’envers. Le PQ a donné des leçons d’éthique, de gouvernance et de transparence au gouvernement libéral pendant près de dix ans. Voilà qu’il pleure subitement les réputations ternies par la commission, parce qu’un des boys au fleur de lys tatoué sur le cœur, Guy Chevrette, est éclaboussé.
Les ténors du PQ ont l’indignation sélective. Ils ne se bousculaient pas devant les micros pour condamner le travail de la commission quand il était question des fréquentations des Line Beauchamp, Nathalie Normandeau, Cosmo Maciocia, Michel Bissonnet, Tony Tomassi et autres Jacques Dupuis avec les membres du cartel des ingénieurs. Quand l’odeur des vidanges a envahi l’hôtel de ville à Montréal, personne au PQ ne s’est porté à la défense de l’ex maire Gérald Tremblay, au contraire. La première ministre lui a bien fait comprendre qu’il était mûr pour le recyclage.
Maintenant que le camion à ordures recule dans la cour arrière de l’Assemblée nationale, c’est différent. Les réactions de la première ministre Marois et de M. Gendron ne sont pas différentes de celle de Michèle Courchesne.
L’ex ministre libérale regrette d’avoir présenté Gilles Cloutier au député libéral Guy Ouellet, qui méritait mieux qu’un voleur d’élections pour sa première campagne dans Chomedey, en 2007, une la circonscription acquise aux libéraux de toute façon. Du même souffle, Mme Courchesne blâme les médias. «Pensez à votre rôle, parce que la démocratie est en grave danger», a-t-elle dit sans rire.
Je dirais que la démocratie est un peu moins en danger maintenant que les journalistes d’enquête, les policiers et la commission Charbonneau ont réussi à exposer cette toile de relations malsaines, incestueuses, scandaleuses…
Ces réactions de fausse indignation démontrent qu’on ne peut plus parler d’un système de corruption et de collusion au Québec, mais d’une culture. On remonte à Duplessis ou plus loin?
Les firmes de génie conseil n’avaient même plus besoin de frapper à la porte des bureaux des ministres, qu’ils soient péquistes ou libéraux. Ces portes étaient toutes grandes ouvertes. Le cocktail annuel de Roche au Stade olympique était si couru que M. Cloutier devait gérer une liste d’attente. Les maires allaient au devant pour réclamer des invitations pour les matchs du Canadien. Cette proximité était normale, voire banale avant que ces maudits journalistes ne se mettent à faire des liens entre le copinage et l’octroi des contrats. Le contribuable, ce cochon de payant, a vite compris qu’il était le dindon de la farce au buffet ouvert de la collusion.
La commission a hérité d’un mandat colossal, qu’il lui sera impossible de mener à elle seule. Ce nécessaire changement de culture est loin d’être acquis quand les plus hautes autorités publiques voient du salissage où il y a, enfin, de la transparence.
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