Les médecins font majoritairement confiance aux représentants pharmaceutiques pour leur livrer une information juste sur le plan scientifique, alors que ceux-ci leur donnent des informations largement déficientes sur les dangers potentiels des médicaments.
Voilà la conclusion plutôt inquiétante d’une étude menée par une équipe de chercheurs auprès de 255 médecins de première ligne à Montréal, Vancouver, Toulouse et Sacramento (Californie), publiée dans l’édition d’avril du Journal on General Internal Medicine.
L’équipe menée par Barbara Mintzes, professeure à la University of British Columbia, a interrogé les médecins sur la nature des informations qu’ils avaient reçues de visiteurs médicaux à propos d’un total de 1 692 médicaments. Marie-Dominique Beaulieu, médecin de famille et professeure à l’Université de Montréal, a aussi participé à cette étude.
Au total, les médecins interrogés ont estimé qu’ils avaient reçu une information de qualité jugée «bonne» ou «excellente» pour 57% des médicaments, «pauvre» ou «très pauvre» pour 10% des médicaments..
Le hic ? Un maigre 1,7% des présentations des médicaments faites aux médecins comprenait une information sur la sécurité des médicaments qualifiée par les chercheurs de «minimalement adéquate» !
Pour répondre à ce critère, le représentant devait avoir donner au médecine des informations à propos d’au moins une indication recommandée pour ce médicament ET au moins un effet secondaire non grave ET au moins un effet secondaire grave (lorsque existant) ET au moins une contreindication (lorsque existante) ET ne pas alléguer de bénéfices du médicament non officiellement reconnus ou d’indications non approuvées par les autorités de santé.
Quand les visiteurs médicaux ont présenté des médicaments présentant des contre-indications ou des effets secondaires potentiellement graves, les médecins ont eu l’heure juste dans seulement 21% des cas pour les contre-indications (14% au Canada), etdans seulement 6% des cas (5% au Canada) pour les effets secondaires graves.
13% des médicaments ont été conseillés aux médecins pour des indications pour laquelle ils ne sont pas approuvés.
Autrement dit, les médecins se font allègrement abuser par les représentants, et le plus souvent sans s’en rendre compte!
Les chercheurs rappellent qu’en 2009, un sondage mené aux États-Unis avait montré que 85% des médecins américains recevaient des représentants et que ceux-ci étaient leur première source d’information sur les nouveaux médicaments.
Dans un sondage canadien, les médecins avaient cité l’accès à de l’information sur les nouveaux médicaments comme principale raison de recevoir des représentants des compagnies.
En comparant des médecins de quatre villes de trois pays différents, les chercheurs ont aussi voulu vérifier si les différences dans les réglementations en vigueur influençaient les pratiques des représentants.
Aux États-Unis, l’activité des représentants médicaux est réglementée par la FDA. Ils doivent en théorie livrer aux médecins des informations «équilibrées» sur les avantages et inconvénients des médicaments.
En France, les visiteurs médicaux doivent faire approuver par les autorités de santé l’information qu’ils donnent, et il leur est interdit de fournir des échantillons gratuits aux médecins, de leur offrir des repas ou d’autres activités, ou de leur proposer de participer à des études sur leurs produits.
Au Canada, la pratique est libre même si en théorie, Santé Canada peut intervenir pour réglementer certains aspects si nécessaire. On compte sur la bonne volonté des phamaceutiques.
Dans les faits, ces différences de réglementations changent la donne, mais sont insuffisantes pour régler le problème.
À Toulouse, où la loi est plus sévère, l’information de sécurité «minimalement adéquate» a été donnée aux médecins dans 3% des cas (contre 1,4% à Montréal).
Les médecins montréalais ont reçu des échantillons gratuits dans 57% des visites (4% à Toulouse, 75% à Vancouver), ont été invités à des repas dans 9% des visites (0,2% à Toulouse, 24% à Sacramento).
James McCormack, professeur en pharmacologie à UBC interviewé au sujet de cet étude par le Globe and Mail, enjoint les médecins à consulter des sources d’informations plus neutres pour avoir l’heure juste sur les médicaments, comme par exemple les revues de littérature scientifique de la Cochrane Library.
Quant aux patients, ils devraient eux aussi encourager leurs médecins à la prudence.
Selon James McCormack, par exemple, le dosage proposé aux patients est souvent trop élevé par rapport à leurs besoins réels.
À part pour des maladies graves, suggère-t-il, on devrait donc discuter avec son médecin de la possibilité de commencer un traitement avec seulement le quart ou la moitié de la dose recommandée, puis augmenter le dosage par la suite si nécessaire.
«D’abord, ne pas nuire», dit le serment d’Hippocrate.
P.S. : J’en profite pour vous signaler mon enquête sur le prix des médicaments, dans L’actualité datée du 15 mai, en kiosque en ce moment. Les Québécois sont parmi les gens au monde qui payent le plus cher pour leurs médicaments. À lire pour comprendre à quel point on se fait avoir!
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