En ce jeudi 18 avril, Barack Obama s’est rendu à Boston pour assister à une cérémonie en mémoire des victimes de l’attaque survenue dans le cadre du marathon. Trois jours après celle-ci, l’identité du ou des auteur(s) demeure inconnue, de même que les motivations. Alors que mercredi fut marqué par la précipitation de certains médias et la transmission d’informations erronées, suscitant une réaction vive de la part du FBI qui mène une enquête bien plus lente et difficile qu’un épisode de CSI, quelques éléments permettent de mettre en contexte « l’acte de terreur » survenu à Boston.
Le terrorisme n’est pas un phénomène nouveau aux États-Unis
Premièrement, le terrorisme, défini par le FBI comme « l’usage illégal de la force et de la violence contre des personnes ou des biens dans le but d’intimider ou de contraindre un gouvernement, une population, ou quelque élément de ces derniers à la réalisation d’objectifs politiques ou sociaux », n’est pas un phénomène nouveau aux États-Unis. Une étude conduite pour le Département de la Sécurité Intérieure (le Department of Homeland Security, DHS) fournit à cet égard des données intéressantes. Pour la seule décennie 2001 – 2011 :
- 207 actes de terrorisme ont été commis ;
- la Californie et New York ont été les États les plus touchés avec respectivement 40 et 19 actes ;
- les 3 principaux groupes ayant commis de tels actes sont le Front de Libération de la Terre (50), le Front de Libération des Animaux (34), et Al-Qaïda (4) ;
- les cibles privilégiées sont des entreprises (62), des personnes et des biens privés (59) et des institutions gouvernementales (43).
Avec plus de 2600 actes commis depuis 1970, le terrorisme n’est donc pas une nouveauté en sol américain. Or, les Américains – et peut-être encore plus leurs médias – n’ont pas encore appris à vivre avec ce risque. Il est vrai que si le nombre d’actes peut sembler important, moins de 10% de ceux-ci ont fait des victimes. Dès lors, l’expérience américaine du terrorisme n’est pas comparable à celles des Européens ou des populations du Moyen-Orient qui sont « habitués » à un terrorisme meurtrier. De plus, le caractère aléatoire, la violence aveugle du terrorisme entrent en opposition frontale avec le style national américain dont l’unes des caractéristiques majeures est la détermination à trouver des solutions concrètes à des problèmes de sorte à ce que ceux-ci ne se représentent plus.
Si le 11 septembre 2001 apparaît comme une anomalie statistique, l’envergure des attaques et le nombre de victimes ont profondément marqué la population américaine. Alors que le traumatisme de ces événements semblait s’estomper, un événement d’une ampleur bien plus limitée comme celui de Boston est en mesure de réactiver certaines craintes. Il convient toutefois de nuancer ce point. En effet, depuis lundi 15 avril, les Américains ne sont pas pris de panique ou d’hystérie collective et ne se lancent pas dans une chasse aux coupables présumés. Il est regrettable que cette retenue et cette prudence ne se retrouvent pas dans les médias.
Vers une remise en question du « plus jamais ça » ?
Deuxièmement, la réponse de l’administration Bush aux attentats du 11 septembre 2001 revêtait deux caractéristiques essentielles. D’une part, ces attentats ont été considérés comme un véritable acte de guerre. Le président Bush mobilisa alors l’ensemble de l’appareil de sécurité et de défense, parla de « guerre contre le terrorisme », et lança le pays dans deux guerres, en Afghanistan et ensuite en Irak. D’autre part, dans la lignée du style national américain, l’administration Bush afficha une détermination à éviter que de tels actes se reproduisent.
Cette logique du « never again », du « plus jamais ça », contestée au sein même de l’appareil de sécurité au lendemain du 11 septembre par les tenants d’une approche mettant l’accent sur la résilience, eut un coût considérable. De 2001 à 2012, le gouvernement fédéral consacra pas moins de 640 milliards de dollars à la sécurité intérieure, et ce sans compter l’augmentation du budget de la défense. L’image des États-Unis fut également une victime collatérale de cette logique : c’est en effet au nom de celle-ci que des pratiques telles que la torture, les prisons secrètes de la CIA, ou encore les écoutes illégales de citoyens américains ont pu être tolérées.
La réaction d’Obama : prudence et détermination
Troisièmement, Barack Obama démontre une capacité d’adaptation à diriger un pays dans un environnement marqué par le risque terroriste. Au-delà de l’abandon de la rhétorique guerrière de George W. Bush, la logique du « plus jamais ça » est remise en question au sein de l’administration depuis son arrivée à la Maison-Blanche. Ainsi, la résilience est aujourd’hui une mission centrale institutionnalisée au sein du Département de la Sécurité Intérieure. À ce titre, la réponse à la marée noire de 2010 dans le Golfe du Mexique a démontré la volonté des autorités américaines, tant locales que fédérales, de mettre l’accent sur cette capacité d’une société à revenir à la normale suite à une catastrophe, fut-elle un attentat, un événement climatique, ou un accident de grande envergure.
Barack Obama a également modifié sa réponse aux actes terroristes. Avant Boston lundi 15 avril, il avait été confronté à de tels actes à 4 reprises depuis son investiture en janvier 2009 : en novembre 2009 avec la fusillade sur la base militaire de Fort Hood au Texas ; à Noël 2009 et en mai 2010 avec des tentatives avortées respectivement à bord d’un vol de Delta Airlines à destination de Détroit et à Times Square ; et enfin en septembre 2012 lors de l’attaque sur le consulat américain de Benghazi qui fit 4 morts, dont l’ambassadeur américain en Libye. Les événements de Noël 2009 et de septembre 2012 avaient suscité la polémique. Dans le premier cas, Barack Obama avait attendu 3 jours avant de s’exprimer alors qu’il était en vacances à Hawaï. Dans le second, son administration avait hésité à parler d’acte terroriste.
Après l’attentat de Boston, le président Obama n’a pas tardé à réagir. Ses propos concilient la prudence, la compassion pour les victimes, la détermination à agir, et la volonté de laisser opérer le processus policier et judiciaire classique. En ce sens, Barack Obama permet peut-être aux Américains d’apprendre enfin à vivre avec le risque terroriste.
Julien Tourreille
Directeur adjoint de l’Observatoire sur les États-Unis
Chaire Raoul-Dandurand | UQAM
Twitter @JTourreille
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