Ce grand roman d’apprentissage (ou plutôt de préapprentissage, vu l’âge des enfants) nous les présente alors qu’ils se préparent à fêter l’Halloween et, par éclaircies, nous laisse entrevoir ce qu’ils deviendront au cégep, puis au début de la trentaine. C’est surtout dans la cour d’école qu’ils acquièrent de nouvelles compétences. Sur ce terrain « fertile en déchéances de toutes sortes », dont les règles du jeu sont beaucoup plus complexes (et aussi sans pitié) que celles du ballon chasseur, ils entrevoient la triste vérité : « la vie n’est qu’un vaste concours de popularité ».
Les humiliations y sont d’autant plus cuisantes que « les enfants portent à un degré ignoré même des Japonais la hantise de perdre la face ». Encore assez jeunes pour détecter « la bullshit ordinaire de grande personne », mais déjà trop vieux pour exprimer leurs sentiments en toute sincérité, ils s’entraînent à « dompter le naturel » et à enfiler un déguisement social qu’ils ne pourront plus retirer, même une fois l’Halloween passée.
Pour un auteur qui nous avait habitués à des romans plus intimistes, François Blais ne semble pas intimidé par le défi imposant que représente son histoire. Il mène ses 25 personnages de front avec aplomb et, au-delà des stéréotypes de la bonne élève ou du cancre, développe en profondeur les idiosyncrasies — attachantes ou exécrables — de chacun, faisant preuve au passage d’une aptitude exceptionnelle à se glisser dans la peau d’un enfant de 11 ans. Il démontre une fois de plus sa maîtrise incontestée de tous les niveaux de langue, dont la juxtaposition crée une forme d’ironie qui n’appartient qu’à lui. Ses réflexions sur les règles du jeu de l’élastique, sur les emballages des produits pharmaceutiques ou sur l’art de classer les friandises d’Halloween sont des pièces d’anthologie aussi hilarantes qu’inouïes.
Même si l’auteur s’en défendrait sûrement, La classe de madame Valérie est aussi le portrait le plus juste qu’on ait fait de la génération X. Les sauts dans le temps permettent de confronter les rêves des enfants avec l’horizon bouché qui les attend : le chômage, le divorce, le suicide, la prison. Maintenant que François Blais aborde ces sujets graves, peut-être va-t-on enfin prendre ses facéties au sérieux et accorder à son œuvre le prix d’excellence qu’elle mérite.
La classe de madame Valérie, par François Blais, L’instant même, 400 p., 32,95 $.
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Un conte de deux villes
Dans La maison des anges, Pascal Bruckner met en lumière un curieux paradoxe urbain : nos centres-villes modernes, dont les classes populaires ont été chassées par la spéculation immobilière, sont devenus les chasses gardées à la fois des mieux nantis et des sans-abris les plus démunis. Entre ces deux extrêmes va et vient Antonin, qui vend des appartements de luxe le jour et qui, la nuit venue, passe son agressivité sur les clochards —, au risque de finir comme eux. Une descente infernale dans les bas-fonds de Paris comme on n’en avait pas lu depuis Victor Hugo. (Grasset, 320 p., 29,95 $)
Intervention temporelle
Un escalier qui remonte le cours du temps et aboutit en 1958… Il suffit à Jake Epping de le découvrir pour aussitôt se mettre en tête de prévenir plusieurs meurtres, dont celui de Kennedy. Mais le passé, s’il n’est pas coulé dans le béton, est réfractaire aux grands changements et multiplie les embûches sur son chemin. 22/11/63 nous ramène un Stephen King au sommet de sa forme, ainsi qu’une époque reconstituée avec une telle attention aux détails que nous nous y croirions nous aussi transportés. (Albin Michel, 937 p., 39,95 $)
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