Ils sont de retour, avec plus de feu et de fougue, me semble-t-il que l’année dernière. Les répliques sont plus acerbes, les questions plus pertinentes, la communication et la rivalité entre dragons plus animées. Les entrepreneurs qui sont venus chercher des fonds ou une expertise en ont eu pour leur argent, même quand ils repartaient les poches vides.
Ceux qui ne sont pas familiers avec les affaires ne réalisent pas comment cette émission reflète ce qui se passe dans la vie des entreprises en démarrage quand l’entrepreneur tente de convaincre un ange investisseur (un particulier qui a du fric) ou un capital-risqueur (qui représente une société d’investissement spécialisée dans les startups, comme disent les Français).
Dans L’oeil du dragon est une représentation très juste de ce processus. Les entrepreneurs ont toujours besoin d’argent, que ce soit au moment du démarrage, pour financer la croissance, quand l’entreprise va mal et quand elle va encore plus mal. On ne finance pas une entreprise juste avec des prêts bancaires, surtout à ses premiers stades de développement. Les institutions financières prêtent en exigeant une contrepartie, que ce soit l’actif de l’entreprise ou les avoirs personnels de l’entrepreneur. Elles exigent aussi que l’entrepreneur porte le gros de l’effort de financement.
Voilà pourquoi les entrepreneurs ont besoin d’aide pour mener à bien leur projet. Ils utiliseront d’abord leurs propres économies. Il feront ensuite appel à leurs proches qui investiront par amour ou par amitié. C’est ce que l’on appelle du love money. Évidemment, tout le monde n’a pas accès à un oncle riche ou à un frère prospère et la somme accumulée n’est souvent pas suffisante pour lancer l’entreprise.
Les cinq dragons de Radio-Canada sont des entrepreneurs à succès qui ont réussi à accumuler un certain patrimoine. En plus d’investir en Bourse ou dans l’immobilier, ils tentent de faire fructifier une petite partie de leur fortune en investissant dans des entreprises en démarrage susceptibles de se développer.
C’est très risqué parce que les chances de succès sont relativement faibles. Selon une étude américaine, ces investisseurs, surnommés anges financiers, perdent leur mise au complet dans 35 % des projets dans lesquels ils investissent. Mauvais projet, mauvais plan, mauvais dirigeant, mauvaise conjoncture, mauvais timing, qu’importe, c’est un revers.
Dans 15 % des cas, l’investisseur ne perd pas tout, mais retrouve moins que l’argent investi. Dans 35 % d’autres cas, l’investisseur récupèrera entre une et 10 fois sa mise. Voilà une excellente nouvelle, mais la somme des succès et des échecs est nulle, malgré tous ses efforts.
Mais dans 15 % des cas en moyenne, l’investisseur frappe un coup de circuit et fera plus de 10 fois sa mise. Si vous investissez dans 10 entreprises, il n’y en aura qu’une en moyenne qui rapportera gros. Pour l’essentiel, vous perdez votre temps avec les neuf autres.
Voilà pourquoi les dragons-anges font les difficiles. Ils doivent bien choisir pour ne pas perdre leur chemise. Que regardent-ils ? Le projet, bien sûr, mais surtout l’entrepreneur. A-t-il le feu sacré ? Est-il dynamique ? S’exprime-t-il clairement ? Est-il ouvert aux remarques et critiques ? Peut-il laisser de la place aux nouveaux investisseurs ou voudra-t-il garder le contrôle absolu de l’entreprise ? Les investisseurs se demandent aussi s’ils peuvent apporter une contribution qui fera décoller ce projet. Chacun d’entre eux apporte une expérience, un savoir-faire particulier et un réseau dont pourrait profiter la jeune entreprise. L’arrimage est-il le bon ?
La partie est donc difficile pour les entrepreneurs. Ils doivent convaincre et le faire rapidement. On n’insistera jamais assez sur l’art du pitch, de la présentation. Je pense que c’est la chose la plus importante pour un entrepreneur. Il doit être capable de « vendre » son entreprise aux futurs employés, aux fournisseurs qui lui feront confiance, au banquier qui lui prêtera des sous, aux clients, évidemment, et aux investisseurs dont il a besoin. L’entrepreneur est une machine à pitchs !
Il a peu de temps devant lui, car tous ces gens sont sollicités et souffrent à un degré ou à un autre d’un déficit d’attention. L’entrepreneur doit expliquer en 30 secondes – au maximum – l’essentiel de son projet. Le message doit être clair, original et se démarquer. L’entrepreneur doit avoir le bon ton : assez dynamique pour inspirer confiance, mais pas trop intense pour susciter le malaise. Nous sommes dans l’ère de l’argumentaire éclair.
30 secondes, c’est déjà trop long dans l’univers réel des startups. On parle aujourd’hui de nanopitchs de quelques secondes à peine ou de pitchs d’ascenseur, qui durent le temps d’un passage entre quelques étages. Faites le test avec un ami ou collègue : êtres-vous capable d’intéresser quelqu’un à votre projet en quelques secondes ?
Si oui, vous avez le potentiel d’être un bon entrepreneur.
Longue vie aux Dragons… et aux anges financiers.
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