Vous n’aimez pas le mot «constitution»?
Êtes-vous persuadé, ou non, que la question n’a plus d’importance, ni pour le Québec, ni pour le Canada? Croyez-vous qu’en parler ne fait que brasser et rebrasser de présumées vieilles «chicanes»?
La fameuse «question constitutionnelle» est pourtant bel et bien, encore et toujours, au cœur de notre dynamique politique. Même si au fil des ans, elle est devenue un véritable tabou pour les uns et une dangereuse boîte de Pandore pour les autres, elle commande néanmoins de sa main invisible une pléthore de dossiers névralgiques pour le Québec.
Même la Loi 101 fut affaiblie à répétition par les tribunaux depuis le rapatriement de la constitution par Pierre Trudeau en 1982 et l’adoption d’une Charte canadienne des droits et libertés sans le consentement de l’Assemblée nationale du Québec. Une Charte à laquelle la protection de la langue française s’est retrouvée soumise.
Cette même Charte, aussi parce qu’elle renforce considérablement le pouvoir interprétatif des juges des cours supérieure, d’appel et suprême, aura imposé au pays un nouvel ordre constitutionnel. Son objectif: transformer de fond en comble la culture politique canadienne et ce faisant, les rapports Québec-Canada.
Par la suite, les tentatives du gouvernement conservateur de Brian Mulroney de réparer d’un point de vue fédéraliste cet énorme pot cassé par Pierre Trudeau, ont tout simplement échoué. Autant l’accord minimaliste du Lac Meech que celui, nettement plus complexe, de Charlottetown. La création du Bloc québécois s’inscrivait dans ce même sillon tout comme le référendum de 1995 sur la souveraineté.
Aujourd’hui, c’est au tour du nouveau chef du PLQ, Philippe Couillard, sans se presser, de souhaiter pouvoir un jour ramener le Québec dans la «famille» constitutionnelle canadienne.
En même temps, dans le camp souverainiste, plusieurs cherchent le moyen de sortir le PQ de son long sommeil post-référendaire. Cette fin de semaine, réunis en «États généraux», des représentants d’Option nationale et de Québec solidaire discutaient d’ententes électorales éventuelles avec les péquistes pendant qu’un ministre du gouvernement Marois plaidait quant à lui pour un «ralliement», mais au PQ…
En mai prochain, un regroupement nommé «Convergence nationale» tiendra un congrès qui se penchera sur ce même problème.
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Elle nous hante toujours…
Bref, tabou ou pas, qu’on le veuille ou non, la question constitutionnelle continue de hanter le paysage politique québécois. Rien n’est réglé, rien n’a été tranché clairement. Ni pour les fédéralistes, ni pour les souverainistes.
Deux ouvrages majeurs nous arrivent d’ailleurs sur le sujet.
Par contre, sûrement que Justin Trudeau – futur chef du Parti libéral du Canada et fils du même Pierre Trudeau -, ne se précipitera pas pour s’y plonger. Dommage.
Qui sait? Il aurait peut-être pu, enfin, y trouver matière à s’élever un brin au-dessus de sa répétition mécanique des mantras de son père sur la question.
Mais bon. À l’impossible, nul n’est tenu…
1) La bataille de Londres
Prenons tout d’abord l’ouvrage de l’historien Frédéric Bastien – La bataille de Londres. Dessous, secrets et coulisses du rapatriement constitutionnel.
Paru chez Boréal, ce véritable travail de moine est une lecture fascinante et tout à fait éclairante sur les véritables coulisses d’un rapatriement qualifié sans hésitation par l’auteur de «coup d’État».
On y apprend beaucoup sur le rôle crucial joué à l’époque par la première ministre britannique Margaret Thatcher, décédée ce 8 avril 2013 à l’âge de 87 ans.
Couvrant aussi la période précédant le référendum de mai 1980 et allant jusqu’au rapatriement, on y voit également l’étendue réelle de la manipulation politique d’une opinion publique québécoise à laquelle, en bout de piste, on aura vraiment caché beaucoup de choses fort importantes. Des choses qui, fussent-elles connues à l’époque, auraient sûrement contribué à renforcer les appuis au Oui
Grâce à l’analyse de notes confidentielles des autorités britanniques obtenues par Frédéric Bastien par le biais de la loi britannique d’accès à l’information, on apprend ainsi que jusqu’au sommet de l’appareil étatique anglais, on considérait en fait un Québec indépendant comme un «État viable à l’échelle des pays scandinaves» et capable de «jouer un rôle sérieux au sein de la communauté internationale».
Un État avec lequel la Grande-Bretagne, selon ces notes, devait même «songer à l’avenir de (ses) relations dans l’éventualité de l’indépendance». Dans les coulisses diplomatiques britanniques, on semblait tout autant persuadés que la même attitude, pour des raisons évidentes de stabilité continentale, prévaudrait aussi du côté des États-Unis.

Bora Laskin. Photo: site web de la Cour suprême.
Frédéric Bastien s’attarde également au rôle trouble et troublant joué par le juge en chef de la Cour suprême, Bora Laskin – décédé depuis.
Nommé à la Cour suprême par Pierre Trudeau et partisan acharné d’une nouvelle charte des droits apte à élargir considérablement le pouvoir politique des juges non élus, Laskin, nous révèle l’historien, serait même allé jusqu’à faire fi du principe constitutionnel fondamental au Canada qu’est la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire.
Ce que Laskin aurait fait en communiquant à des membres britanniques et canadiens de l’exécutif l’état de discussions privées qui avaient lieu entre les juges de la Cour suprême sur ce même rapatriement. Et ce qui, on en conviendra, était un geste très, très grave d’un point de vue autant constitutionnel que politique.
Depuis 1982, au Canada et au Québec, plusieurs experts, dont votre humble chroniqueuse, ont dénoncé le «gouvernement des juges» qui s’installe, peu à peu, grâce à la Charte de 1982. Le rôle aussi actif que caché joué avant le rapatriement par le juge en chef Laskin lui-même, pour mieux y paver la voie, vient aujourd’hui confirmer leurs pires craintes.
Je vous reviendrai plus tard sur cet ouvrage. Pour le moment, mon collègue Marco Fortier du Devoir en fait ici un excellent premier compte-rendu. Dans cette courte vidéo, l’auteur Frédéric Bastien y présente également son livre.
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2) Vingt ans après Charlottetown
Paru tout récemment aux Presses de l’Université Laval, Vingt ans après Charlottetown est cosigné par Claude Couture et David Chandonnet.
Cet ouvrage propose une analyse novatrice de cette deuxième tentative par le gouvernement de Brian Mulroney de réparer certains des effets négatifs du rapatriement par Trudeau père.
Voici comment on présente ici leur analyse :
«Trudeau et Harper : même combat, mêmes valeurs fondamentales, même soutien profond à l’ordre colonial britannique ? Quelle hyperbole ! Un duo Trudeau-Harper ! Pourtant, les brèves citations choisies par Claude Couture et David Chandonnet font une démonstration éclairante des affinités de pensée entre les deux hommes politiques.
Par deux fois, Pierre Elliott Trudeau est venu brouiller les cartes quand deux gouvernements après lui ont tenté de permettre la réintégration du Québec dans le giron constitutionnel fédéral. Admirateur du nationalisme « canadien-britannique » et opposant tenace au nationalisme « canadien-français » puis québécois, Trudeau a pesé de tout son poids pour protéger son propre héritage politique et faire échouer l’Entente de Charlottetown et l’Accord du lac Meech.
«Le Québec devrait accepter sa place de simple province au même titre que les neuf autres » était l’une des grandes lignes de la pensée de Trudeau et une idée dominante au Canada anglais. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui, vingt ans après Charlottetown, que Stephen Harper puisse penser autrement, d’autant plus qu’ils étaient dans le même camp en 1992.»
Alors, Trudeau et Harper, même combat sur la question du Québec? La thèse vaut en effet le détour.
D’autant plus que derrière ses nouveaux habits de «décentralisateur» se cache en fait chez Stephen Harper un politicien particulièrement intransigeant face au mouvement souverainiste. Sûrement autant, sinon plus encore, que ne le fut Pierre Trudeau…
Rappelons seulement qu’après le référendum de 1995, M Harper, alors dans l’opposition, avait proposé un projet de loi privé prévoyant la tenue d’un référendum tenu par le gouvernement fédéral le même jour que celui du Québec et dont une des deux questions porterait sur la partition du territoire québécois. Rien de moins.
Si le sujet vous intéresse, je vous invite à écouter les deux auteurs de Vingt ans après Charlottetown en entrevue à l’émission Dimanche magazine.
Vous ne le regretterez pas…
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