
Bob Rae (J. McNeill / The Globe & Mail / PC) et Jean Charest (R. Poling / PC)
Si quelques sièges de plus avaient abouti chez les libéraux au scrutin du 4 septembre dernier, l’ex-premier ministre serait encore aux commandes du Québec, et si Justin Trudeau n’avait pas été dans la vitrine du PLC, Bob Rae serait sans doute à quelques jours de devenir le chef permanent du parti.
À la place, ils écrivent l’épilogue du long chapitre de la politique canadienne dans lequel ils ont joué des rôles de premier plan.
Personne ne dira jamais des Charest et Rae qu’ils ont été des étoiles filantes. Rares sont les épi-sodes marquants des 30 dernières années au Canada auxquels ils n’ont pas été associés. Mais sans le débat constitutionnel, leurs chemins ne se seraient peut-être pas croisés.
À l’origine, Bob Rae et Jean Charest semblaient destinés à passer leur vie dans des camps opposés, et même à se faire un jour la lutte pour le poste de premier ministre du pays.
Bob Rae a amorcé sa carrière à gauche de l’échiquier fédéral, comme député néo-démocrate. En 1979, c’est lui qui a présenté la motion de censure qui a causé la chute hâtive du gouvernement minoritaire de Joe Clark et chassé dans l’opposition le Parti progressiste-conservateur, au sein duquel Jean Charest commençait à militer.
Lorsque le nouveau député conservateur de Sherbrooke a débarqué à Ottawa, en 1984, Bob Rae n’y était plus. Devenu chef du NPD de l’Ontario, il s’est battu bec et ongles contre l’accord de libre-échange canado-américain, défendu par Brian Mulroney (et Jean Charest) au scrutin fédéral de 1988.
Il aura fallu l’épisode de Meech pour que les deux hommes se retrouvent du même côté des barricades, d’abord à l’occasion des négociations constitutionnelles de Charlottetown, et ensuite dans le camp du Non lors de la campagne référendaire de 1995 au Québec.
Ils vivaient alors tous deux une traversée du désert. Bob Rae venait de perdre le pouvoir en Ontario après un seul mandat ; et Jean Charest avait hérité de la direction d’un Parti conservateur décimé par l’électorat au scrutin de 1993. Hors des sentiers libéraux, il n’y avait, à l’époque, que de la terre brûlée.
Au fil de ces péripéties, Rae et Charest en sont venus à incarner la dualité canadienne en politique. Ils ont fait partie d’un très petit groupe d’élus qui avaient autant le Canada que le Québec dans le sang.
Il s’en trouve beaucoup pour croire que ces deux hommes emportent avec eux une conception dépassée d’un Canada où le Québec joue un rôle central.
Il est vrai que Jean Charest s’est lancé en politique fédérale à une époque où l’idée d’envoyer à Ottawa certains des meilleurs éléments québécois était plus répandue qu’aujourd’hui.
Il est vrai également que, dans le reste du Canada, la génération politique actuelle n’a jamais été aussi bilingue, mais qu’elle ne compte pas pour autant de personnages qui puissent se targuer, à l’instar de Bob Rae ou encore de Joe Clark, Sheila Copps, Ed Broad-bent et Jack Layton, d’avoir une sensibilité québécoise.
L’heure des départs, c’est souvent celle des regrets. À part celui de ne pas être devenus premier ministre du Canada — ambition à laquelle Jean Charest n’a peut-être pas complètement renoncé —, Bob Rae et l’ancien premier ministre du Québec en ont un autre en commun.
Au cours d’entrevues récentes, tous deux se sont désolés de l’échec des tentatives de réconciliation constitutionnelle auxquelles ils ont été associés. Ils croient encore qu’une telle réconciliation constitue un passage obligé pour le Canada
Ces temps-ci, Philippe Couillard est néanmoins presque le seul à parler ouvertement de l’absence d’adhésion formelle du Québec à la loi-cadre constitutionnelle canadienne comme d’un accroc qu’il faut s’efforcer de raccommoder. Et on peut se demander si son discours ne tient pas plus d’une certaine inconscience que de la détermination.
Chose certaine, parmi les caractéristiques qui distinguent le nouveau chef du PLQ de Bob Rae et de Jean Charest, il y a celle de ne pas avoir vécu en première ligne le traumatisme fédéraliste de la campagne référendaire de 1995.
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