En novembre dernier, j’ai failli assaillir mon voisin de siège, sur un vol de nuit entre San Francisco et Montréal.
Déjà, au bar de l’aéroport, j’avais remarqué qu’il était ivre comme 36 moujiks. Quand sont partis les clients à qui il décrivait à haute voix ses prouesses sexuelles, c’est sur moi qu’il a jeté son dévolu, même si j’étais assis et concentré devant mon ordinateur, au comptoir du bar.
Après avoir pris congé de l’importun, je l’ai revu dans la salle d’attente, en train de draguer une inconnue. Puis, je suis monté à bord de l’avion pour réaliser… que nos sièges étaient voisins.
S’ensuivirent d’interminables minutes où le triste poivrot a tenu le crachoir à son autre voisin de siège, en se levant à tout bout de champ, me forçant à faire de même à chaque fois puisque j’avais un siège donnant sur le couloir central.
“S’cuse, j’vais aller m’asseoir à côté d’une fille que j’ai vue à l’aéroport pour lui offrir un drink; ça s’peut que je r’vienne si ça marche pas.” Il est revenu une minute plus tard, interrompant mon film pour la troisième fois en dix minutes. “S’cuse, c’est quoi ton film? / Mademoiselle, deux autres bières ! / S’cuse, faut que j’aille me vider la vessie”.
En d’autres circonstances, je me serais emporté et j’aurais enguirlandé ce trublion aérien à l’haleine fétide. Mais puisque j’étais justement assis dans un avion, j’ai contenu la rage qui me taraudait et j’ai simplement dit, sur un ton calme mais ferme: “Puisque tu risques encore d’y aller souvent, aux toilettes, t’as pas envie de t’asseoir à côté? Il y a un siège libre, là-bas.”
C’est à ce moment qu’il s’est senti blessé dans son amour-propre imbibé de whisky, qu’il a commencé à m’insulter et à me harceler alors que je tentais de me concentrer sur mon film, et qu’il a fini par me menacer. “Tu sais pas de quoi je suis capable”, m’a-t-il postillonné à l’oreille.
J’avais maintenant le choix entre répondre à ces provocations et risquer d’en venir aux mains, ou garder mon calme et faire comme à la petite école en allant me plaindre aux surveillants de la cour de récréation.
Puisant à même mes dernières ressources de patience et de self-control, j’ai averti les agents de bord, qui ont à leur tour sermonné le soulard; quelques instants plus tard, il s’est finalement assoupi, drapé dans ses vapeurs d’alcool. Quant à moi, je me suis inséré plus loin entre deux autres passagers, espérant que le casse-pieds des airs soit victime d’un épisode d’incontinence durant son sommeil.
Avec beaucoup de courtoisie, les deux agents de bord m’ont ensuite interrogé, puis ils ont fait de même avec l’autre passager incommodé, avant de remplir un rapport détaillé. Ce sur quoi je leur ai souligné qu’ils auraient dû, dès le début du vol, cesser d’emplir cette outre qui puait déjà le fond de tonne dès qu’elle est montée à bord.
Je ne sais pas ce qu’il est advenu de l’enquiquineur parce que le transporteur en question a comme politique de ne pas divulguer tout suivi entourant la plainte d’un passager. Mais il a sûrement eu à en découdre: toutes les compagnies aériennes qui se respectent adhèrent à une politique de tolérance zéro en matière d’abus d’alcool, et les conséquences vont de l’avertissement jusqu’à l’interdiction de voyager sur une longue période, ou pire encore, dans les cas extrêmes.
Le plus étonnant dans cette histoire, c’est qu’en l’espèce, l’ivrogne est un passager assidu – il voyage très souvent pour le boulot. Il devrait donc savoir que s’il est un endroit où on doit garder le profil bas, c’est bien à bord d’un avion. Les médias regorgent en effet de cas de passagers éméchés qui finissent mal – notamment cette histoire rocambolesque.
En un mot comme en cent, si vous êtes confronté à un emmerdeur des airs, ne repoussez pas les limites de votre patience pour tenter de régler le conflit: faites plutôt appel à l’équipage. Sinon, à 11 000 mètres d’altitude et dans un espace aussi confiné, les frictions risquent de dégénérer, et le fauteur de trouble pourrait bien vous entraîner dans sa chute, si vous succombez à l’envie d’entrer dans sa stupide ronde.
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