Puis, les quelques flocons sont devenus une masse lourde de 45 cm ; une neige gorgée d'eau dont le poids fit craquer bien des fils et poteaux électriques. Résultat : surcharge du système de distribution électrique central régional et c'est tout une partie de la Roumanie qui se voit plonger dans une nuit noire pour plusieurs jours.
Les pronostics annoncent un retour de l'électricité dans un délai de 3 à 5 jours. Problème ; notre centrale à bois est amorcée par l'électricité. Autre soucis ; l'eau potable est à nouveau rationnée, mais bon, je dirais que l'on est habitué à vivre sans eau ou presque, donc ça passe encore.
Là où ça devient nettement moins drôle, c'est lorsque l'on nous annonce que l'on va aussi nous couper le gaz. Ce qui veut dire plus de repas chaud, plus de thé/café pour se revigorer face au froid. Bref, trop c'est trop ! Nous décidons de profiter de ces vacances involontaires (car pas d'électricité = pas d'internet = pas moyen de bosser), pour partir explorer une réserve dans le nord de la Roumanie, spécialisée dans l'étude des ours, loups et lynx.
Chouette idée dans l'absolu, mais comment descendre de notre petite montagne ? Le chemin qui mène à la route est un mur de neige et nous ne voyons pas comment la vaillante Skoda Fabia qui nous sert si fidèlement va pouvoir gérer cet obstacle. Heureusement, la chance nous sourit. Tout d'abord, un tracteur va avoir la bonne idée de monter chez nous, équipé de chaines. Ensuite, plusieurs paysans vont faire quelques aller-retour en tirant, à l'aide de chevaux, des « meules » de foin posées sur des bâches, qui vont ainsi tasser la neige et créer une route « praticable ».
Nous équipons la voiture de deux chaînes à l'avant et de deux chaînes à l'arrière. Petit soucis : les chaînes de derrière sont trop grandes. En pleine descente, les chaines cognent contre la carrosserie ; il nous faut trouver une solution pour les fixer. Que faire ?
Heureusement, la semaine passée, j'ai échangé quelques points de vue sur des forums photos, quant au matériel idéal à emporter avec soi, dans son sac photo. Un des membres de ces forums m'a suggéré d'emporter des colsons en plastique pour réparer l'appareil photo en cas de casse. Les colsons ont pris donc place dans mon sac à dos et vont servir à fixer plus efficacement les chaînes des roues arrière.
Arrivé en bas « de la piste », il faut enlever les fameuses chaînes. Soucis lors de cette opération : une des chaînes se coince derrière la roue et est complètement bloquée ! Que faire cette fois-ci ? Une seule solution : soulever la voiture, passer les mains derrière la roue et au besoin enlever la roue. Allez savoir pourquoi, je le sens moyen le coup du « soulever la voiture dans une pente, avec le cric posé sur de la neige et de la glace ».
Ce qui devait arriver arrive : la voiture à peine levée, le cric glisse, la voiture tombe, une main a failli rester coincée, failli seulement... Intérieurement, je suis furieux d'avoir été aussi stupide ! Il fallait bien évidement creuser la neige, puis casser la glace, stabiliser le cric puis seulement soulever la voiture. Seulement voilà, maintenant le cric est coincé sous la voiture et ne semble plus vouloir bouger. Il me faut un outil solide pour creuser et briser la glace. Heureusement, j'ai dans mon sac photo, un couteau commando (qui avait d'ailleurs fait grand débat sur les forums photos, certains photographes ne comprenant pas à quoi cela pouvait bien servir). Après quelques minutes, le cric est de retour et bénéficie d'une assise stable qui va permettre de décoincer la chaîne après quelques manipulations de la roue. Ouf ! Ça commence bien !
C'est donc parti pour +/- 250 km d'aventure. Les routes sont tantôt bonnes, tantôt très mauvaises. Le brouillard est de la partie et les paysages uniformément blancs.
Arrivés à destination au fin fond du trou du _ _ _ (mot en trois lettres évoquant un orifice indispensable) du bout du monde : coup de téléphone à l'équipe de chercheurs en charge de la réserve. Leur point de vue est sans appel : les conditions météos sont trop dangereuses que pour tenter une ascension en montagne afin de traquer les loups. Le programme de découverte de la réserve sera donc assez simple : quelques heures de marche, visites d'affûts, visite du centre de recherche.
Rendez-vous est donc pris le lendemain matin. Pour l'heure, c'est direction hôtel et : un chauffage qui fonctionne, de l'eau chaude, un repas chaud... LE BONHEUR !
Le lendemain : -24 au thermomètre. C'est parti pour quelques heures de marche dans la poudreuse.
Cette journée n'a réservé que de bonnes surprises. D'abord, l'équipe du centre de recherche est géniale. Des personnes très motivées, très ouvertes, avec qui le courant passe très bien.
Ensuite les affûts photos sont très beaux, très pros, très confortables (chauffage inclus!), avec des points de vue superbes, même le paysage est de la partie.
Le centre en lui-même est très intéressant. Une sale de soins est présente et permet de soigner les animaux blessés.
On y découvre le système de traçabilité par GPS pour suivre certains ours et loups.
Pour la première fois, je découvre un système de vidéo surveillance à l'intérieur de la tanière d'un ours en hibernation ! L'équipe nous propose de loger sur place lorsque nous viendrons en safari photo avec nos clients (en effet, on ne peut pas se permettre de dormir à l'hôtel qui est autant accueillant que cher). Le logement du centre est rudimentaire, mais « l'aventure c'est l'aventure », comme dirait mon père.
Autre point intéressant, en plus des grands prédateurs, les chercheurs gèrent une série de points d'eau avec des espèces de batraciens endémiques ; voilà qui devraient ravir certains clients qui étaient venu l'été passé explorer avec nous des espaces humides.
Les chercheurs nous expliquent que cette région est vraiment particulière, tant du point de vue de la concentration d'animaux que de leurs habitudes. L'absence de présence humaine (nombre de villages traversés étaient en effet des villages fantômes non habités) ont rendu les animaux peu méfiants. Ils nous parlent de chamois noir à 485 mètres d'altitude ! Je suis dubitatif et demande à voir... et oui en effet, ils ne mentaient pas !
Ensuite, c'est la tournée des grands ducs : nous visitons une série d'hôtels et de pensions afin de trouver LE logement pour nos clients.
La nuit tombée, ce sont les adieux et la planification d'une seconde visite pour enfin traquer les loups, lorsque la météo sera plus clémente.
Le lendemain c'est le grand départ. La voiture est prisonnière de la glace et de la neige. Le couteau de survie est à nouveau mis à contribution !
En route, nous décidons de faire quelques achats afin de tenir le coût si le froid persiste : beaucoup de vivre et... un générateur électrique à essence. Pour ceux que ça intéresse, j'ai écrit un guide expliquant comment choisir un générateur électrique, comment l'installer, comment le brancher, comment l'éteindre et comment l'entretenir.
Voilà ! Encore un épisode qui se tourne et des envies de photos plein la tête. Cette réserve, ainsi que les infrastructures, sont vraiment géniaux. Je n'avais jamais vu un lieu avec un tel potentiel. Vivement que le temps se calme pour pouvoir y retourner.
D'ici là, j'espère avoir gagné au Lotto, pour pouvoir enfin acheter un 4X4 car vraiment, la vie en montagne sans 4X4 c'est dur dur... Pour l’anecdote, j'ai monté nos achats en quad. Cela a pris presque deux heures et beaucoup, beaucoup d'aller-retour. Le tableau de bord du quad s'est cassé à cause du froid, et la batterie se vide en deux nuits, alors que la batterie est neuve... « Aaaaah l'aventure ! » dirait le père Cornet...
Consultez la source sur Safari-photo-nature.blogspot.com: Tempêtes de neige vivre sans électricité ni chauffage privé deau potable et vous appelez ça de la photo nature vous